Une œuvre de Guillaume Pinard, représenté par la galerie Anne Barrault, une autre de Bouchra Khalili venue de chez Mor Charpentier, une autre encore d’Hippolyte Hentgen proposée par Semiose. Voici quelques-unes des dernières acquisitions des collections publiques via la commission d’acquisition exceptionnelle pilotée par le Centre national des arts plastiques dans le cadre de mesures de soutien post-COVID. Mais il n’y avait guère besoin d’attendre un virus pour mettre en lumière les relations croisées qu’entretiennent les galeries d’art avec les institutions. « Nous collaborons étroitement, car nous allons tous dans le même sens », confirme Nathalie Berghege, collaboratrice de la galerie Lelong. Toutes structures commerciales qu’elles sont, les premières jouent un rôle essentiel de découverte, d’accompagnement et de promotion des artistes. La charte de bonnes pratiques du CPGA (fruit d’un travail de rédaction commun avec la Direction générale de la création artistique) engage les structures publiques à associer dès le début du processus les galeries désignées par les artistes. En tant que représentantes des créateurs, elles sont en effet un partenaire incontournable pour toutes les sollicitations qui les concernent. Il en va ainsi des achats d’œuvres destinées à rejoindre les collections publiques, étatiques ou locales. Dans ce cadre, les Fonds régionaux d’art contemporain sont un partenaire de choix pour les enseignes consacrées à l’art émergent. « Ils sont à la fois en prise avec des enjeux internationaux et une diffusion locale, rappelle Isabelle Alfonsi, à la galerie Marcelle Alix. Ils ont d’ailleurs été des partenaires très bienveillants après le COVID. » Ils ont en particulier confirmé le maintien des comités d’acquisition prévus et leur engagement à privilégier les galeries françaises dans le cas où un artiste est également représenté à l’étranger.
Des prêts dans un seul sens...
Les galeries sont également des interlocuteurs clés pour les musées dans le cadre du montage d’expositions d’artistes vivants ou historiques, dont elles représentent de plus en plus les successions, comme Michel Journiac pour Christophe Gaillard ou Hans Hartung pour Perrotin. Elles sont en effet de plus en plus sollicitées pour des prêts de leurs propres stocks, mais aussi de collections privées, dont elles facilitent et gèrent l’obtention. « Nous prêtons une cinquantaine d’œuvres chaque année, détaille Franck Prazan. Cela me paraît normal, la vocation des œuvres d’art est d’être montrées au plus grand nombre. Et cela nous permet de resserrer les liens avec les institutions demandeuses. » La collaboration peut également prendre la forme de production d’œuvres de la part des galeries, voire – diminution des subsides étatiques oblige – de mécénat pour les enseignes les plus importantes, qu’il s’agisse d’apport financier ou en nature. Cela a été le cas de Gagosian pour l’exposition Jeff Koons ou de Lelong pour la rétrospective Hockney, toutes deux organisées au Centre Pompidou. C’est un des exemples de l’interdépendance croissante du public et du privé, qui laisse encore taboue la question du mouvement inverse : les prêts des musées aux galeries. Le Comité avait été consulté lorsqu’un rapport avait été demandé à Laurent Le Bon, président du musée Picasso, sur le sujet. Par leur capacité à redécouvrir et mettre en lumière les œuvres d’artistes méconnus, le travail des galeries est de nature à valoriser le patrimoine des musées.
Les galeries d’art, des structures fragiles
D’après les données rassemblées par le Comité professionnel des galeries d’art auprès de ses 279 adhérents pendant le confinement, 67 % emploient moins de trois salariés, mais drainent tout un écosystème de métiers, de l’encadreur à l’assureur. Plus de la moitié (52 %) déclarent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 500 000 euros, quand la moyenne se situe à 1,6 million d’euros. La majorité (65%) n’intervient que sur le premier marché, c’est-à-dire sur les œuvres proposées à la vente pour la première fois, 27% sur le premier et le second marché, 8% uniquement sur le second marché. D’après le CPGA, sans un important plan de relance, un tiers des galeries françaises pourraient fermer dans les mois à venir, en raison de la crise liée au COVID.