Éclipsés par les milliardaires omniprésents sur la scène médiatique, les collectionneurs participent de manière tout aussi efficace à la vitalité de la scène artistique contemporaine. D’après une étude du ministère de la Culture menée en 2016, ils sont 39 % à suivre le travail d’une à cinq galeries en particulier, qu’ils soutiennent parfois financièrement, et les conseils de ces professionnels revêtent de l’importance pour les trois quarts d’entre eux. C’est en effet bien souvent entre les murs de ces enseignes qu’ils ont été initiés à la compréhension des œuvres et guidés vers de nouveaux artistes. Pour Catherine Issert, c’est le travail de longue haleine avec les artistes qui est clé dans la relation avec les acheteurs. « Cela fait 45 ans que j’entretiens un réseau de collectionneurs. Selon moi, ce lien qui nous unit passe par ma fidélité à des artistes, explique-t-elle. C’est le cas de Jean-Charles Blais, dont je suis le travail depuis 1981 et qui réunit autour de lui aujourd’hui près de 600 collectionneurs », rapporte la galeriste, qui se félicite du succès remporté par l’exposition qu’elle présente actuellement à Saint-Paul-de-Vence.
Élargir la base
« Les collectionneurs peuvent commencer par acheter une petite pièce d’un artiste et se mettent à suivre son travail. Bien souvent, cela leur permet de tisser des liens très proches et de s’impliquer pour les soutenir, explique Nathalie Berghege, de la galerie Lelong. Le contact humain est toujours au cœur de notre activité, les événements que nous organisons sont l’occasion pour les collectionneurs de partager leur passion pour l’art avec d’autres. » À rebours, l’implication des collectionneurs peut aller plus loin et se traduire par le financement de publications ou de productions. « Nous devons réinventer notre métier, confie la galeriste Magda Danysz. Il se rapproche de plus en plus de celui de producteur de cinéma, et le collectionneur peut faire partie de ces montages. » C’est ce qui s’est produit pour l’exposition de Prune Nourry au musée Guimet, ou pour la série Shanghaï du photographe Erwin Olaf. Comment élargir la base des collectionneurs fidèles ? En parallèle d’une présence dans les foires, en point d’interrogation aujourd’hui, ou de ventes en ligne, face auxquelles les galeries sont inégalement armées, la crise liée au COVID a été l’occasion de remettre au cœur des discussions avec le ministère de la Culture et Bercy le prêt à taux zéro pour des achats d’œuvres d’art. Un dispositif qui existe déjà en Angleterre, en Belgique, en Australie et aux Pays-Bas. « Ce système serait un vrai soutien pour le marché, il a d’ailleurs pleinement prouvé son efficacité ailleurs. Il serait plafonné et permettrait aux collectionneurs moyens, qui sont en réalité le cœur du marché, de se faire plaisir en étalant la charge, tandis que les artistes seraient payés immédiatement », soutient Magda Danysz. Aux Pays-Bas, sa mise en place a déclenché 59 000 euros de ventes en moyenne par galerie : un succès.
L’ADIAF monte au créneau
Dans le contexte de la crise du COVID, les collectionneurs français ont souhaité unir leur voix pour porter un plan de relance de l’activité. L’ADIAF (Association pour la diffusion internationale de l’art français) – qui rassemble 400 collectionneurs d’art contemporain – et le Comité professionnel des galeries d’art défendent de concert une série de mesures auprès du ministère de la Culture et de Bercy, comme le prêt à taux zéro ou le maintien de mesures fiscales favorables pour l’acquisition d’œuvres par les entreprises. L’ADIAF a également annoncé qu’elle augmenterait d’un tiers son aide aux artistes nommés pour le prix Marcel Duchamp (10 000 euros au lieu des traditionnels 7500 euros), décerné chaque automne depuis 2000.