Le Quotidien de l'Art

Pendant le coronavirus, qu’ont fait les collectionneurs ?

Pendant le coronavirus, qu’ont fait les collectionneurs ?
Kevin Rouillard, lauréat du Prix SAM 2018, vue d'installation au Palais de Tokyo 2020.
Photo Marc Domage/Courtesy Kevin Rouillard et SAM Art Projects.

Par leur engagement et leurs acquisitions auprès des galeries, artistes et maisons de vente, les collectionneurs sont un maillon crucial de l’écosystème artistique. Comment ont-ils vécu les semaines de confinement ? Six collectionneurs, deux conseillers en art et la directrice d'une fondation nous répondent.

La fermeture soudaine des lieux d’exposition – galeries, foires, salons, fondations, musées – et la chute des places boursières ont naturellement affecté les projets d’acquisition des collectionneurs. Pour autant, après la phase de sidération et de nécessaire réorganisation du travail, une seconde étape a favorisé une forme d’introspection : « Le facteur temps, dont ils ont disposé généreusement, leur a permis de s’interroger sur le pourquoi de leur collection et quels artistes ils souhaitaient véritablement soutenir, indique Hervé Mikaeloff, conseiller en art auprès de collectionneurs français et internationaux. J’ai été fortement sollicité par eux et, bien que leurs demandes n’aboutissent pas forcément à des acquisitions immédiates, l’intérêt et l’appétence manifestés sont un signe positif : l’économie complexe n’a en effet incité aucun d’eux à remettre en cause le principe de leur collection. » Pour Laurence Dreyfus, même constat de décélération de la part des collectionneurs qu’elle conseille. Certains, par connaissance des systèmes et circuits monétaires, ont anticipé et acquis également les valeurs les plus sûres : les métaux précieux. « Les entrepreneurs ont réagi en hommes d’affaires très pragmatiques, ainsi, l’un d’eux, actif dans le domaine des télécoms, avait pressenti et analysé l’ampleur de la crise. En novembre, il a acquis de l’or, valeur refuge par excellence, puis en décembre a décidé d’acheter une pièce d’art contemporain de près de 500 000 euros. Au lendemain du confinement, il m’a déclaré être très satisfait de son achat, car certain d’avoir fait le choix d’un bon artiste et de ne pas perdre d’argent dans les deux ou trois années à venir », souligne Dreyfus qui qualifie de « prédateurs » ce type de collectionneurs : « S’ils sont très informés et développent un goût esthétique affirmé, ils s’inscrivent dans une démarche capitaliste très nette, en recherche d’occasions. Ils ont connu plusieurs crises financières, et ce n’est pas le Covid-19 qui va les figer. Mais ils attendent des remises de l’ordre de 25 à 40 % sur les œuvres du second marché, hors artistes vivants. Les collectionneurs me demandent un équilibre entre des valeurs qu’ils aiment, des artistes qui les intéressent et un placement intelligent. » 

« La demande s’est raréfiée et l’offre n’a pas explosé. En ce sens, les très bonnes œuvres se vendent très bien et les galeries ne sont pas dans une démarche de déstockage ou de vente à tout prix, selon Hervé Mikaeloff. Les codes sont respectés, chacun sait comment il doit se comporter et chacun évalue les choses en prenant en compte que le marché de l’art va être très complexe jusqu’à la fin de l’année. Mais il faut reconnaître qu’il y a une volonté de conclure les affaires, donc les galeries sont plus enclines à revoir le prix des œuvres, dans une mesure raisonnable. Chacun fait des efforts pour avancer de façon…

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Article issu de l'édition N°1961