Thomas Bernard : « Ce qui se passe dans une galerie est unique »
Thomas Bernard, qui a commencé son activité à Bordeaux, est installé à Paris depuis 2015, où il est l’un des animateurs de Paris Gallery Map. À l’avenir, il aimerait dépenser moins d’énergie et de ressources dans les foires et réenchanter l’espace de la galerie.
« En creux, la question des foires, qu’est-ce que ça dévoile ? Si on voit moins de gens dans les galeries, c’est qu’on met beaucoup de moyens dans ces rendez-vous cosmopolites au détriment de nos propres lieux. Je ne veux pas cracher dans la soupe, et la première chose que je dois aux foires, depuis LISTE en 2006, c’est d’y avoir rencontré mes confrères. Mais, mis bout à bout, j’ai passé au moins un an à y être assis sur un banc. Une participation à la FIAC, c’est le salaire d’une bibliothécaire qualifiée à l’année, Art Paris, c’est l’équivalent de deux voyages en Europe par semaine pendant un an. Est-ce que je ne ferais pas mieux d’aller voir mes collectionneurs à Istanbul ? Il faut repenser les points d’efficacité de la galerie, essayer d’être contagieux dans nos enthousiasmes, sortir cet espace de ce qu’il peut avoir de "raide", l’érotiser. Je suis convaincu que ce qui se passe dans une galerie est unique : j’y ai accueilli des visiteurs à 2 heures du matin, j’y ai dormi, j’ai plein de petites histoires uniques de rapports aux œuvres. Il faut essayer de réenchanter ce lien, redonner sa noblesse à notre métier de commerçant – j’adore ce mot ! – en un mot échanger. C’est une façon d’échapper à ce hors-sol qu’est internet où, pour le dire comme Virilio, on aime son lointain avant son prochain. »
La galerie rouvre le 12 mai avec une exposition d’Olivier Masmonteil.
Bernard Utudjian (galerie Polaris) : « Nous avons réimaginé l’échange de parole »
Bernard Utudjian anime la galerie Polaris depuis 1985. Pendant le confinement, il a lancé une initiative originale par sa simplicité, une « conversation téléphonique », qui vise à renouer ce lien avec le collectionneur, l’amateur, le simple visiteur, un peu distendu dans la frénésie croissante des dernières années. Il suffisait de prendre rendez-vous pour une conversation sans limite de durée. Résultat ? Des contacts qui n’étaient jamais passés à la galerie vont enfin le faire.
« Je souhaitais qu’en cette période où l’image envahit tout, les galeries – avec les collectionneurs, journalistes, directeurs de centres d’art, etc. –, nous puissions reprendre la parole à propos des artistes et des œuvres. Une galerie est et reste un lieu d’accueil, de conseils et d’échanges. J’ai lancé cette initiative le 16 avril et, en moins d’une semaine, 15 rendez-vous avaient déjà été pris, dont 10 avec des personnes que je ne connaissais pas mais qui étaient dans ma base de données. Les trois premières conversations, du 19 au 21 avril, ont été…