« Il faudra revoir l’envergure des projets. »
Marie Terrieux, directrice de la Fondation François Schneider à Wattwiller (Haut-Rhin)
« La Fondation située dans le village de Wattwiller, en Alsace, a fermé plus tôt que d’autres lieux en France. Dès le 7 mars, nous avons commencé par limiter les jauges suite aux directives prises dans la région, car nous avons été les premiers touchés. Notre exposition « L’eau dessinée » devait se terminer fin mars, des dizaines de classes avaient prévu des visites guidées, elles n’auront pas la possibilité de venir. Nous étions en train de terminer des ateliers avec un scénariste et 15 patients d’un hôpital psychiatrique de la région, l’œuvre en cours est inachevée… Depuis un an, je prépare une grosse exposition avec le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, « Les territoires de l’eau », faisant dialoguer notre fonds d’art contemporain avec des objets et œuvres extra-européens, qui devait se monter début avril et ouvrir mi-mai. Nous avons tout de suite décidé de la reporter à septembre. En soi, reporter une exposition n’est pas catastrophique, mais ça l’est pour toute la chaîne de collaboration, car nous produisons entièrement toutes nos expositions in situ. Beaucoup des intervenants sont des indépendants ou des petites entreprises, certains des artistes. Cela met à mal leur économie. Pour nous, le manque à gagner viendra de la billetterie. L’été dernier, les 8000 visiteurs de l’exposition de Céleste Boursier-Mougenot avaient généré 15 000 euros de recettes ; cet été, je tablais sur plus de 10 000 visiteurs… La Fondation emploie huit personnes, dont une partie est au chômage partiel. La Fondation a la chance de ne pas être dépendante de subventions, mais nous devons rester prudents. Fondation philanthropique reconnue d’utilité publique, elle est autonome grâce aux revenus financiers et immobiliers générés par la donation initiale faite par François Schneider. Avec l'effondrement des marchés et le report de paiement de certains loyers, notre trésorerie courante sera sans doute fragilisée, il faudra revoir l’envergure des projets. Je suis très triste pour notre environnement et pour la situation sanitaire à Mulhouse, où je vis. Psychologiquement, c’est difficile pour certains de mes collaborateurs, qui sont isolés chez eux. Mais nous trouvons des solutions, avançons, prenons des nouvelles les uns des autres et programmons de superbes expositions et projets pour les trois prochaines années ! »
« C’est en ayant une attitude positive que l’envie d’art se fera sentir »
Nathalie Obadia, galeriste
« Dès la semaine qui a précédé l’annonce de toutes les restrictions gouvernementales, nous nous étions organisés avec mon équipe pour bénéficier de tous les outils nécessaires pour aborder le confinement en télétravail. Il fonctionne parfaitement depuis deux semaines, car chacun est discipliné et responsable. Dès 10 h chaque matin, chacun derrière son ordinateur ou à la manœuvre avec tous les outils sophistiqués comme WhatsApp et les vidéoconférences, nous faisons le point sur les dossiers en cours et tenons un planning très précis des activités, comme le contenu des réseaux sociaux, la finalisation de la monographie de Wang Keping ou les préparations des prochaines expositions. Cette période inédite où la perception de la notion de « temps » est différente permet d’échanger plus fréquemment avec les artistes. Ils sont des leçons de sagesse, comme Sarkis qui regarde son atelier avec sa webcam et dessine chez lui, ou Laure Prouvost qui met à profit cette période pour travailler avec ses enfants à ses côtés. Mais mon objectif principal consiste à préparer le retour au travail « pour de vrai » : retour à la galerie, vernissages des nouvelles expositions et des foires avant la période estivale. Paris a tous les atouts pour être la ville du réveil de la scène artistique en Europe, avec nombre de galeries dynamiques, dont certaines étrangères seront heureuses de reprendre une activité. Ensemble aussi, avec certaines foires, on se doit d'imaginer des événements communs, et ainsi les collectionneurs reprendront le chemin des galeries. C’est en ayant une attitude positive que l’envie d’art se fera sentir. »