Certains prix dans le domaine culturel sont très symboliques même s'ils laissent espérer un succès commercial : le Goncourt ne décerne que 10 euros (et un repas chez Drouant, qui vaut beaucoup plus). D'autres sont autrement plus généreux. C'est notamment le cas du prix Holberg, institué en 2003 par le gouvernement norvégien et administré par l'université de Bergen. Baptisé d'après l'érudit cosmopolite et polyglotte Ludvig Holberg (1684-1754) né dans cette même ville, il récompense une contribution remarquable dans le domaine des arts et des sciences sociales. Après Paul Gilroy en 2019, dans la lignée de Julia Kristeva, première lauréate en 2004, c'est l'Anglo-Canadienne Griselda Pollock qui recevra les 6 millions de couronnes norvégiennes. Née en 1949 en Afrique du Sud, professeur à l'université de Leeds, elle s'est imposée dans la relecture d'une histoire de l'art biaisée par les préjugés de genre et de race avec son essai de 1981 (en collaboration avec Rozsika Parker), Old Mistresses: Women, Art and Ideology. Se penchant aussi bien sur les journaux intimes de Marie Bashkirtseff que sur la vision des femmes chez Degas ou sur l'œuvre d'Eva Hesse, elle n'a quasiment pas été traduite en français à de rares exceptions près, comme son travail sur Jean-François Millet – et, de plus, chez un éditeur espagnol, Casimiro ! Ce qui semble en dire long sur le statut actuel de la langue française dans le champ des humanités...
Le chiffre du jour