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Foires annulées et coronavirus : la question complexe des assurances

Foires annulées et coronavirus : la question complexe des assurances
Vernissage d'Art Paris 2019 au Grand Palais.
© Marc Domage.

Avec l'avancée du coronavirus et l'annulation de plusieurs foires, qu’en est-il de la question des assurances, alors que les assureurs sont réputés mauvais payeurs lors des sinistres à grande échelle ?

À la veille du bourgeonnement printanier des foires, certains tremblent plus que d’autres face aux annonces quotidiennes des autorités sanitaires sur l’état d’avancée du Covid-19. Alors qu’Art Basel Hong Kong déclarait forfait un mois avant son ouverture tout comme Art Up! à Lille, le Salon du Dessin ou Drawing Now sont dans l’expectative. Si chacun se veut rassurant (et rassuré) comme Art Paris Art Fair (du 2 au 5 avril), dont le Grand Palais qui les accueille maintient ses évènements en vertu d’une jauge plafonnée à 5 000 personnes, quels sont les recours en matière d’assurances en cas d’annulation ?

« Les garanties annulation existent depuis longtemps dans le milieu événementiel et couvrent le risque d’épidémie », rassure d’emblée Fabien Chermette, responsable Arts & Médias du groupe de services à l’assurance Stelliant. Mais (car il y a toujours un « mais » dans les assurances), « une fois un risque connu, il n’est plus assurable, prévient l’expert. Donc, dans le cas du coronavirus, la seule question est celle de la date de souscription des contrats. Tous les contrats souscrits avant la reconnaissance de l’épidémie par les autorités couvrent l’annulation pour cause d’épidémie. Le problème est que les organisateurs ne prennent que rarement une garantie annulation annuelle et préfèrent la prendre pour chaque événement au cas par cas, et aussi en dernière minute ». Deux dates sont donc à retenir pour savoir si le contrat couvre ou non le virus : le 30 janvier, jour où l’OMS a reconnu le virus couronné comme une urgence de santé publique de portée internationale, et le 29 février, quand Olivier Véran, ministre de la Santé, a interdit les rassemblements de plus de 5000 personnes en milieu confiné. Une fois enclenchée, cette garantie complémentaire, que l’organisateur ou le galeriste aura dû souscrire de manière séparée à ses contrats de responsabilité civile et d’assurance dommage, ne couvre toutefois pas tout.

« Il y a deux manières de s’assurer, explique Fabien Chermette. Soit on indemnise uniquement les frais engagés irrécupérables, soit on y ajoute la perte de bénéfice liée à l’annulation. » Très lourde et technique à monter, ainsi que très coûteuse, cette clause de perte d’exploitation sans dommage est rare pour le secteur artistique, encore peu rompu à ces pratiques, contrairement aux milieux du spectacle, du divertissement ou du sport. À cela, Allianz ajoute dans son contrat « evenementia » la rémunération d’un expert en communication de crise.

Coup dur pour les transporteurs

Du côté du participant, tout dépend des conditions générales du contrat signé avec l’organisateur de l’événement, qui choisit ou non de faire bénéficier à ses exposants de sa garantie annulation. Alors que les galeries qui avaient versé un acompte pour la location des espaces à Art Basel Hong Kong seront remboursées à hauteur de 75 %, cela n’est pas toujours le cas. « En tant que courtiers, nous proposons de plus en plus aux galeries d’inclure une garantie annulation dans leur contrat dommage, explique Hadrien Brissaud, co-fondateur d'Appia Art. Cela viendra indemniser les frais engagés en complément de ce que l’organisateur voudra bien rembourser, mais aussi les frais annexes qui dépassent vite le prix de location du stand : transport, assurance, décoration, communication, publicité préalable, catalogue, frais de bouche... Avec la multiplication des annulations depuis les attentats, les grosses galeries ne sont plus les seules à souscrire un tel contrat. »

Ici encore le manque à gagner n’est pas assuré. Si les assureurs ne manqueront pas de trouver des excuses pour placer le Covid-19 en exclusion, il y a encore quelques progrès à faire pour accompagner les galeristes dans de pareils moments, les plus prévoyants d’entre eux limitant malgré tout les dégâts. En revanche, tout un secteur prend l’épidémie de plein fouet dans son économie, celui des transporteurs. « Les transports s’annulent les uns après les autres et aucune assurance ne nous couvre. Les frais de réservation en fret, de caisserie ne sont pas remboursés, tandis que les complications administratives des œuvres en transit sous douane nous demandent un surplus de travail que personne n’indemnisera », vitupère Axel Haddad, directeur Fine Art de Grospiron dont le manque à gagner se chiffre en plusieurs centaines de milliers d’euros. Le coronavirus et ses conséquences en chaîne n’ont pas fini de se faire sentir, et probablement de rebattre les cartes.

Annonce du report de la foire sur le site d'Art Up!
Annonce du report de la foire sur le site d'Art Up!
D.R.
Axel Haddad.
Axel Haddad.
D.R.
Hadrien Brissaud.
Hadrien Brissaud.
© Appia Art.
L'annulation de la foire Art Basel Hong Kong, annoncée sur le site de la foire.
L'annulation de la foire Art Basel Hong Kong, annoncée sur le site de la foire.
D.R.

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