À Lille Grand Palais, les préparatifs vont bon train pour accueillir la centaine de galeries participant à la foire Art Up!, du 5 au 8 mars. Alors qu’il y a une vingtaine d’années, on organisait en région des foires d’antiquaires, ce sont aujourd’hui les événements d’art contemporain qui essaiment, avec des propositions artistiques souvent bien loin de la FIAC et des événements avant-gardistes parisiens. Si certains projets n’ont pas perduré, comme Artnim à Nîmes, Docks Art Fair à Lyon ou la bouture rouennaise d’Art Up!, plusieurs parviennent à s’installer dans le paysage : à Lille, la manifestation fête sa 13e édition ; à Strasbourg, St’Art attend son 25e opus en novembre prochain, tandis qu’Art-o-rama est installée à Marseille depuis 12 ans, avec un profil toutefois différent. L’une des dernières nées est Art Montpellier, qui présente depuis trois ans des artistes de la Méditerranée. « Du musée Fabre au MoCo, le territoire foisonne de propositions artistiques. Nous nous sommes appuyés sur ce public sensibilisé par les politiques territoriales », explique Cédric Fiolet, directeur général de SPL Occitanie events.
Point commun de la plupart de ces événements : la volonté de rompre avec les codes traditionnels du marché et la promotion d’un art décomplexé, accessible financièrement. « Nous défendons une vision festive, humaine et pédagogique de l’art, loin du snobisme de certaines galeries », professe Didier Vesse, directeur d'Art Up!. À Strasbourg, St’Art veut donner sa chance aux galeries de province – 60 % des effectifs en 2019 – pour « voir des propositions différentes », dixit un dossier de presse. La recette d’Art3F, réseau de foires désormais installé dans 10 villes françaises, de Mulhouse à Bordeaux, est de « proposer des œuvres abordables, d’ouvrir l’art de façon ludique et décontractée, dans un environnement qui n’est pas aseptisé, avec musique le soir, bar et restaurant… », détaille Alexandra Vallat, chargée de communication. Alors, au sein de ces événements, le bon grain côtoie l’ivraie, quand les propositions ne sont pas franchement douteuses, comme chez Art3F. À Art Up! comme à St’art, on joue également la carte des invitations : à Lille, le salon Young International Artists de Romain Tichit, ou Stéphane Corréard – à l’époque directeur artistique du Salon de Montrouge ; à Strasbourg, la Maison Européenne de la Photo, la Fondation Maeght ou le musée Picasso de Barcelone. La foire marseillaise Art-o-rama reste à part dans ce paysage, promouvant une vision expérimentale et exigeante de l’art. Près de 80 % de sa cinquantaine de galeries sont internationales, les autres sont parisiennes. Son directeur, Jérôme Pantalacci, trouve toutefois avantage à être implanté loin de la capitale. « Incontestablement, Paris résonne plus. Mais être en province nous permet d’avoir une proposition qui se distingue. Nous réfléchissons différemment, avons peu de galeries, plus de place, et nous pouvons même accueillir des artistes en résidence », résume-t-il.
Un écho immédiat
Nombre de ces foires en province sont de vrais succès populaires. Art Up! accueillait ainsi 40 000 visiteurs l’an dernier, 20 000 pour St’art. Mais la palme revient à Art3F : pour son 7e exercice, en 2019, la société comptabilisait plus de 400 000 visiteurs dans ses différentes destinations, 14 000 œuvres vendues, de 2 000 à 8 000 euros en moyenne, et 35 millions de chiffre d’affaires. « Notre proposition a trouvé un écho immédiatement, on ne s’y attendait pas », confie Alexandra Vallat. Le modèle dominant repose sur un grand nombre de galeries, autour d’une centaine, et l’association des entreprises locales, qui profitent de la foire pour des opérations de relations publiques. À la foire de Montpellier, bénéficiaire dès la première année, les locations de stands comptent pour 70 % des revenus, les entrées moins de 10 % et les entreprises environ 20 %. « Pour réussir un tel événement, il faut un important investissement local, et des équipes physiquement présentes sur le terrain », indique Cédric Fiolet.
Le modèle d’Art-o-rama s’appuie en revanche sur le secteur public : cette structure associative reçoit environ 40 % de subventions publiques de la ville, du département, de la région via la DRAC, et de la métropole Aix-Marseille-Provence, et est par ailleurs associée à une trentaine d’institutions artistiques locales. Si la foire marseillaise rallie seulement 10 à 15 % de collectionneurs locaux, ses consœurs se sont en revanche fait une spécialité de séduire les néophytes du cru. « Les collectionneurs, il suffit de les créer. Nous avons fabriqué un public : combien de collectionneurs m’ont dit avoir fait leur tout premier achat à Art Up! », assure Didier Vesse. Est-ce alors un tremplin vers un autre marché ? « Ces événements permettent d’initier de nouveaux acheteurs, et de former leur œil. D’ailleurs, si les plus grands collectionneurs montraient la première œuvre qu’ils ont achetée, beaucoup riraient ! », répond une galeriste. Le cheminement peut parfois être le même côté galeriste : à ses débuts, Kamel Mennour exposait bien à Strasbourg.
À voir
Art Up!, du 5 au 8 mars, Lille Grand Palais, lille.art-up.com