Fils d’un avocat sud-africain qui défendit Nelson Mandela, William Kentridge fut très tôt témoin de l’injustice et de la répression raciste de l’Apartheid en Afrique du Sud. Descendant d’une famille juive lituanienne qui a fui les pogroms du début du XXe siècle, il se souvient : « Nous écoutions de la musique bulgare ou de la musique locale à la radio en Afrique du Sud. Il n’y avait pas une tradition que je pouvais appeler mienne. Alors je me formais à partir de multiples bouts de choses diverses ». Mathieu Kleyebe Abonnenc se souvient de l’adresse, en 1952, de Frantz Fanon aux Africains dans Peaux noires, masques blancs : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l'oreille, on parle de vous ». À 43 ans, il est l’un des artistes français qui s'est le plus tôt engagé à traduire et diffuser la pensée post-coloniale et les black studies dans le contexte français. « Récemment, comme souvent, on m’a demandé comment je pouvais parler du racisme en étant blanc, se souvient-il. A l'instar de William Kentridge, je suis conscient que le corps transparent, se prétendant neutre, est un privilège blanc dont je bénéficie au quotidien. Mais ce n'est qu'une partie de mon héritage. J’ai longtemps résisté à évoquer mon histoire personnelle, par pudeur, ou peur de devenir narcissique ».…
Mathieu Kleyebe Abonnenc / William Kentridge : « Refuser la posture héroïque de l’artiste »
L’artiste Mathieu Kleyebe Abonnenc s’intéresse à la manière dont l’artiste sud-africain William Kentridge, exposé au LaM de Villeneuve d’Ascq jusqu'au 5 juillet, se confronte aux non-dits de l’histoire coloniale par le grotesque et l’absurdité.