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Le marché de l’art espagnol toujours en panne

Le marché de l’art espagnol toujours en panne
L'Isla del Rey, site du futur Centre d'art de Hauser & Wirth à Minorque, en Espagne.
DR.

Si l'on s’en tient à la sévérité des chiffres, le marché de l'art espagnol demeure minuscule par rapport aux pays qui l'entourent. Selon les dernières données officielles, datées de 2018, Madrid, où a lieu du 26 févier au 1er mars la foire ARCO, représente à peine 3 % du marché européen, contre 60 % pour Londres. Le chiffre d’affaires du pays dépasse à peine 400 millions d'euros. Pire, les foires latino-américaines, principal marché des galeristes espagnols, ne sont désormais plus synonymes de réussite économique, en raison de l'instabilité politique et économique de plusieurs pays, comme le Brésil, la Colombie, l’Argentine, le Vénézuela, le Chili ou le Mexique. Ce n’est désormais plus intéressant pour les galeries d’affronter des frais de participation aussi élevés pour rentrer chez soi les mains vides. À ce scénario déjà catastrophique se greffe la question de l’instabilité politique espagnole. En l’absence de gouvernement, aucune mesure légale n'a été mise en place pour dynamiser le marché. Aucune loi de mécénat n’a été proposée. Pas un plan n’a été pensé pour promouvoir le travail des artistes nationaux à l'étranger. La scène artistique espagnole est tellement méconnue à l’international que le commissaire de la dernière Biennale de Venise n'a pas convié de créateurs espagnols à l'exposition générale. Les autorités du secteur, comme Manuel Borja-Villel (directeur du Reina Sofia) et Carmen Giménez (conservatrice au Guggenheim Museum de New York), déplorent tous l’absence de collectionneurs dans l'Espagne du XXIe siècle. Certains galeristes voient le début d’un changement dans l’arrivée de galeries étrangères et l’ouverture de nouveaux espaces, par exemple la Fondation María Cristina Masaveu Peterson ou la Fondation Thyssen Bornemisza Art Contemporary (TBA21). 

Les étrangers changent la donne

Le contexte politique et social compliqué en Amérique latine provoque l'arrivée de riches familles latino-américaines à Madrid, en attendant que la situation s’améliore. Les murs vides de leurs nouvelles demeures seront peut-être une aubaine pour les marchands d'art locaux… En dehors de Madrid, où est concentrée la majorité de l’activité économique, la meilleure nouvelle pour le pays est l’implantation de la galerie Hauser & Wirth en 2020 à Isla del Rey, à côté du port de Mahón (Minorque). L’enseigne suisse était au cœur d’un autre temps fort cette année : la réouverture, après huit ans de fermeture, de Chillida Leku, grand musée créé par Eduardo Chillida lui-même afin de montrer son travail à la périphérie d’Hernani, près de San Sebastián (Guipúzcoa, Pays basque). À Madrid, les enseignes étrangères ont choisi de s’installer dans les environs du musée Reina Sofia : l’une des pionnières était la galerie berlinoise Kow, 26 rue Ribera de Curtidores, près du fameux marché du Rastro. Non loin de là, la galerie londonienne The Ryder a pris racine au 13 rue Miguel Servet, dans une ancienne écurie du quartier Lavapiés. Autre nouveauté : l'espace partagé par l'Allemand Carlier | Gebauer avec La Cometa (Bogota) sur la rue San Lorenzo. Si les deux enseignes ont confirmé qu’elles représentent les mêmes artistes que dans leurs pays d’origine, elles pourraient, à terme représenter aussi des artistes espagnols. La prestigieuse galerie brésilienne Baró Hause s'est installée place Rubén Darío, près du quartier de Salamanque, et n’ouvre que sur rendez-vous. Ce sont les grandes fortunes de l’étranger qui font vivre le marché et attirent des galeries internationales. Pendant ce temps, les politiciens de la Communauté de Madrid ont temporairement paralysé la mise en place de nouveaux espaces muséaux, dont celui de l’Italienne Patrizia Sandretto Re Rebaudengo (Matadero) ou de la Cubaine Ella Fontanals-Cisneros (Tabacalera). Il faut attendre que les accords politiques s’occupent de l'art et de la culture, ce dont aucun parti n'a parlé pendant les dernières campagnes électorales en Espagne… Le pays en a pourtant enchaîné quatre depuis 2015.

Vue de l'exposition « Postales de Futuro. Elias Crespin, Sol Calero, Alexander Apostol, Jorge Pedro Nunez, Pepe Lopez » à la BARÓ House Madrid.
Vue de l'exposition « Postales de Futuro. Elias Crespin, Sol Calero, Alexander Apostol, Jorge Pedro Nunez, Pepe Lopez » à la BARÓ House Madrid.
© BARÓ House.
Vue de l’exposition d’Oswald Oberhuber « Oberhuber. Un futuro. » à la galerie KOW Madrid, 2019.
Vue de l’exposition d’Oswald Oberhuber « Oberhuber. Un futuro. » à la galerie KOW Madrid, 2019.
Photo Oak Taylor-Smith/Courtesy KOW Berlin, Madrid.

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