La figurine est minuscule, à peine quelques centimètres de long. C’est pourtant la pièce maîtresse de l’exposition qui se tient jusqu’au 8 mars prochain au Musée juif de Vienne : un lièvre en ivoire et corne de buffle, connu de milliers de lecteurs sous le nom du Lièvre aux yeux d’ambre, titre du best-seller de l’artiste et écrivain britannique Edmund de Waal. Dans ce livre, le céramiste raconte l’histoire fascinante de ses ancêtres, les Ephrussi, l’une des familles juives les plus renommées du début du XXe siècle, grande collectionneuse d’art et mise à l’honneur dans cette exposition. Originaires d’Odessa en Ukraine, les Ephrussi se sont établis dans plusieurs villes européennes. À Paris, où Charles Ephrussi, mécène des impressionnistes, aurait inspiré à Marcel Proust son personnage de Swann, mais aussi bien sûr à Vienne, où la famille sera dépossédée de tous ses biens après l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938.
Le palais Ephrussi qui trône encore aujourd’hui sur la Ringstrasse, imposant boulevard où se déploient la plupart des monuments viennois, témoigne de la prospérité et du prestige de cette famille avant les spoliations nazies qui furent massives : « Tout a été pillé : des peintures aux logements en passant par les meubles et la vaisselle qui était dans les armoires. Ils ont seulement pu emporter deux valises avec des documents et des photos de famille. Tout le reste leur a été enlevé », décrit Tom Juncker, commissaire de l’exposition. Une collection a pu être sauvée du pillage : 264 netsuke, des miniatures japonaises comme le lièvre aux yeux d’ambre, dont une partie est visible dans la rétrospective. Le musée présente par ailleurs des archives de la famille mais aussi des objets et œuvres qui leur ont été…