L’été dernier, au Festival de Bayreuth, un jeune metteur en scène peu connu, Tobias Kratzer, présentait avec le scénographe allemand Rainer Sellmaier et le photographe et vidéaste suisse Manuel Braun un nouveau Tannhäuser drôle et plein d’audace. Dès l’ouverture, on découvre le truculent film de Braun, où « Venusberg » n’est pas le royaume du plaisir mythique du livret, mais plutôt un « style de vie » de jeunes artistes vagabonds.
Wagner, sans cesse remis sur le métier
Tannhäuser, un clown pathétique (le puissant ténor Stephen Gould), se joint à Vénus (la séduisante Elena Zhidkova) et sa compagnie de saltimbanques, le nain Oskar (Manni Laudenbach, habillé comme le héros du Tambour de Günter Grass) et Gateau (sic) Chocolat (un artiste britannico-nigérian travesti noir). Ils traversent la campagne allemande dans un vieux bus Citroën, semant des pancartes sur lesquelles on lit : « LIBREMENT VOLONTAIRE. LIBREMENT FAIRE. S'AMUSER LIBREMENT ». Ces mots sont ceux de Wagner, nés de sa jeunesse révolutionnaire à Dresde aux côtés de l’anarchiste russe Mikhaïl Bakounine. À la pause, on est invités à retrouver Venus, Oskar et Gateau Chocolat pour assister à leur bizarre performance Fluxus autour du lac du parc. Kratzer illustre ainsi les chemins divergents et parallèles que peuvent suivre les protagonistes du début à la fin de l’opéra. Dans la scène finale, on retrouve Oskar sans abri, Gateau Chocolat qui se prostitue et Vénus irréformable ; quant à Tannhäuser, il meurt tenant le corps d’Élisabeth (Lise Davidsen, jeune espoir du chant wagnérien, voix de velours et style parfait), qui a succombé aux coups de couteau…