En 1999 se tenait l’exposition « Laboratorium » au Musée de la photographie d'Anvers, qui s’inspirait du rôle historique de la ville dans le développement de l’atelier d’artiste envisagé, avec les peintres flamands, comme école de production (Rubens alla jusqu’à employer une trentaine d’assistants). Les curateurs Barbara Vanderlinden et Hans Ulrich Obrist se penchaient sur les transformations contemporaines de cet espace, réimprimant pour l’occasion le texte phare de Daniel Buren, « Fonction de l’Atelier » (1971), l’une des critiques les plus acerbes de l’idéologie romantique de l’atelier comme tour d’ivoire. Pour les curateurs, l’atelier était devenu un réseau et un laboratoire (intégrant d’autres disciplines, y compris scientifiques), jusqu’à abattre les frontières entre lieu de fabrication et lieu d’exposition.
Aujourd'hui en France, l'accès à un atelier-logement est le parcours du combattant. Pour la seule région Ile-de-France (où sont inscrits plus de la moitié des artistes affiliés à la Maison des artistes), la Drac est théoriquement réservataire de 1000 ateliers, mais seule une quinzaine sont rendus disponibles chaque année, et un tiers seulement seraient utilisés par des artistes en activité. En l’absence d’une base juridique propre (et de bail limité permettant les rotations), cet outil de la politique culturelle entre dans le cadre du logement social dès son attribution. Les listes d’attente peuvent atteindre jusqu'à 600 artistes, y compris pour la Ville de Paris, et l'attribution se fait en fonction de la notoriété de l'artiste. En ce qui concerne les loyers, ils varient beaucoup selon les revenus et la zone géographique, comme pour le logement social. A titre d'exemple, un atelier-logement de 45 m2 à la Cité internationale des arts, à Paris (dont sont partenaires la ville et le ministère de la Culture), se loue 600 euros.
« Il y a des rapports de force entre l’espace de travail et le domestique, dit l’artiste Emmanuelle Lainé. Chez Kafka, on habite dans un coin de bureau, pour être toujours prêt. N’ayant pas d’atelier, je vois une continuité entre le fonctionnement de ma conscience et l’exposition, tout coexiste. » Dans ses photographies en trompe-l’œil, elle dispose des objets issus de contextes a priori antagonistes (atelier, maison, bureau, musée, usine) : la frontière entre…