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Par ici la Monnaie

Par ici la Monnaie
Yasmine Gateau

Allongées et rêveuses ou assises sur un bûcher, les femmes de Kiki Smith seront les dernières œuvres d’art contemporain exposées à la Monnaie de Paris. Ainsi en a décidé le directeur, Marc Schwartz, qui a annoncé une réorientation de la programmation sur des « grands événements populaires » et des « animations », afin, dit-il, de se recentrer sur son cœur d’activité et améliorer les résultats économiques. On croirait lire un rapport de cabinet d’audit ou de la Cour des comptes. Précisément, l’énarque a vendu ses compétences de cost-killer alternativement dans le public et dans le privé.

Dans un paysage parisien qui ne manque pas de lieux d’exposition dédiés à l’art d’aujourd’hui, cette décision pourrait sembler légitime. A priori, le patrimoine de la vénérable Monnaie de Paris justifie déjà que les visiteurs se pressent pour découvrir ou redécouvrir l’histoire qui a précédé le bitcoin. Sauf que l’expérience menée depuis quelques années dans ce palais au bord de la Seine était singulière, et singulièrement réussie. Tour à tour, chacune à leur manière, les deux directrices successives Chiara Parisi et Camille Morineau ont démontré qu’il est possible, avec un budget riquiqui au regard des prix des œuvres de certains artistes – 393 000 euros pour l’exposition Schütte –, de réaliser des expositions qui font parler d’elles dans notre petit milieu et qui font venir des visiteurs qui n’appartiennent pas à ce petit milieu. En mobilisant leurs réseaux personnels, avec l’ambition de réussir ce que de plus grosses institutions ne parvenaient pas à faire, par manque de curiosité, d’ambition ou par simple paresse, les deux femmes signifiaient que l’agilité compense les réductions de budget dans le secteur public. En installant les œuvres de Maurizio Cattelan, pour l’une, et de Thomas Schütte, pour l’autre, les deux dames avaient pris de vitesse et Pinault, et Arnault, montrant qu’on peut faire avec des pièces jaunes parfois plus vite et mieux qu’avec des billets verts. Et le public était au rendez-vous ! Pas toujours, bien sûr, mais très souvent. Rappelons que l’exposition inaugurale de la Chocolate Factory de Paul McCarthy a rallié 89 000 visiteurs, « Women House » a généré 46 172 visiteurs. Avec, depuis 2016, des taux d’autofinancement de 55 % et un retour image qui représenterait l’équivalent de 14,1 millions d’euros en investissement publicitaire. Des chiffres qui n’ont pas ému Marc Schwartz.

Avec comme obsession « par ici la monnaie ! », l’ancien directeur financier de France Télévisions a bousculé une institution publique qui était en train de faire sa mue, sans proposer de plan alternatif précis. Un gros risque. L’ex-directeur de cabinet de l’ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen devra se montrer aussi pertinent dans la construction d’une identité alternative pour la Monnaie que celle qu’il a décidé de sacrifier. Il est surtout à espérer que cette programmation pointue mais ouverte saura trouver une place dans d’autres institutions publiques. Rien n’est moins sûr. La disparition tant regrettée de la Maison rouge ne les a pas conduits à faire leur aggiornamento...

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