Dix-huit mètres de hauteur, plus de 6000 kilos, 1003 écrans à tube cathodique et autant de vidéos : 30 ans après son installation au musée national d’art moderne et contemporain de Corée du sud, The more, the better, installation du Coréen Nam June Paik questionnant l’orgie médiatique, est devenue un cauchemar technique. Les écrans tombent en panne les uns après les autres, si bien qu’après des centaines de remplacements, l’installation a dû être débranchée en 2018, par crainte d’un incendie. Faut-il continuer à leur substituer les mêmes dispositifs, de plus en plus rares, et perpétuer le problème, au risque que l’œuvre cesse un jour de fonctionner ? Ou changer de technologie, au risque de dénaturer l’œuvre ? Le 11 septembre dernier, après des mois de tergiversations avec 40 experts, le musée a tranché en faveur de la première option, dans l’attente d’une solution durable. Cette question de l’obsolescence des œuvres multimédia n’est qu’un des multiples problèmes spécifiques que pose aujourd’hui la restauration des œuvres d’art contemporain, alors que dans les collections publiques, beaucoup ne sont aujourd’hui plus montrables.
« Pour le conservateur, la différence fondamentale entre l’art contemporain et l’art "traditionnel" réside dans la variété de techniques utilisées », souligne Isabella Villafranca Soissons, directrice du département conservation et restauration de la société Open Care. « L’art antique était censé être légué à la postérité, quand l’art contemporain est censé être compris dans son immédiateté. » Comment envisager alors la restauration des purées de légumes ou croquettes pour chien de Michel Blazy, des animaux empaillés de Jan Fabre, des combustions de plastique d’Alberto Burri, des excréments d’Andres Serrano ou des requins de Damien Hirst ? Face à cet immense champ des possibles, les principes de Cesare Brandi, père de la restauration moderne, nécessitent d’être repensés. Un mécanisme d’autant plus nécessaire qu’« il faut parfois restaurer des œuvres l’année même de leur acquisition, en raison de l'instabilité de certains matériaux contemporains », rapporte Hélène Leroy, conservatrice au musée d’art moderne (MAM) de Paris.
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