Le dernier épisode en date de la série « diplomatie des musées » a suscité moins d’enthousiasme que les précédents – et beaucoup moins de critiques aussi. Et pour cause : le projet Centre Pompidou x West Bund, quoiqu’inauguré par le président Macron, n’a pas l’envergure architecturale du Louvre Abu Dhabi. Son ambition culturelle est plus modeste aussi, eu égard à l’orgueil millénaire de la Chine qui, plus que les émirats, a de quoi faire respecter son patrimoine et son identité. Enfin, d’un point de vue comptable, le produit de ce co-branding est à la mesure d’un rapprochement qui ressemble plus à une passade qu’à un mariage pour la vie. En vingt ans, depuis le retentissant Guggenheim Bilbao imaginé par le visionnaire Thomas Krens, l’idée de décliner un musée en marque s’est banalisée. Entre l’inauguration d’un mini-Pompidou dans l’Empire du Milieu et l’ouverture concomitante d’une boutique Louis Vuitton à Séoul, dessinée par Frank Gehry et agrémentée de sculptures de Giacometti, à chacun de faire son marché...Nous voilà loin, bien loin, de l’esprit critique de l’exposition « Face à l’histoire » organisée en 1996, soit le regard des artistes face aux événements politiques marquants des 60 dernières années – dont la Révolution communiste chinoise. Ce type d’exposition, on n’en voit plus depuis des lustres à Beaubourg, où même l’anniversaire de Mai 68 fut sous-traité.
Il apparaît ainsi que la compatibilité entre la pointe avancée de la culture française et les règles de la plus grande dictature au monde ne fait pas événement. À cinq censures près révélées par le New York Times, notre liberté chérie fait bon ménage avec l’encadrement de l’individu dans une société régie par les règles maoïstes néo-libéralisées. Entre Alstom, Areva, la blonde d’Aquitaine et les 120 000 œuvres des XXe et XXIe siècles en stock à Paris, pas d’exception culturelle. Mieux, le Centre Pompidou annonce un programme chinois au cours des prochaines années à Paris, sans garantir que les artistes qui déplaisent à l’administration de Xi Jinping seront montrés dans le pays des droits de l’Homme. Déjà que l’exposition « Chine-Afrique », initialement prévue cet automne, a été repoussée à 2020 pour ne pas déplaire aux autorités chinoises – et aussi coller accessoirement à la saison Afrique 2020... Entre le bras de fer à la façon Trump et l’ingénuité – pardon, l’art de l’esquive – affichée par Macron, le dialogue de puissance à puissance reste à inventer !