Le Quotidien de l'Art

Expositions

Les leçons de Léonard

Les leçons de Léonard
Couverture de l'Hebdo du 25.10.19
Yasmine Gateau

À Londres, en octobre dernier, quand le tout petit monde de l’art le plus branché répondait à l’appel de Frieze, un nombre non négligeable de collectionneurs prenait la tangente. L’avant-garde était... à Frieze Masters, et un nom se lisait sur les lèvres : Botticelli. Non seulement parce que le portrait de Michele Marullo Tarchaniota, affiché à 30 millions de dollars, dépassait largement en valeur les prix des créations récentes. Mais surtout parce que la Renaissance n’a jamais semblé si moderne. On s’en rend compte aujourd’hui au Louvre, avec Léonard.

À tous ceux qui redoutent l’affluence, l’attente, le coude-à-coude, bref, à ceux qui moquent les blockbusters Chtchoukine ou Toutankhamon, on n’a qu’un conseil : sortez, allez voir, admirez ! Si cette exposition mérite le voyage, ce n’est pas seulement pour son tour de force diplomatico-politico-économique. Ni pour la présence in extremis de l’Homme de Vitruve que d’aucuns peuvent voir tranquillement à Venise. Quant aux peintures réunies pour le 500e anniversaire du génie toscan, la moitié est exposée au Louvre à longueur d’année, sans susciter autant de selfies que la Joconde... 

S’il faut s’y rendre, c’est parce qu’elle éclaire non pas tant la vie picaresque d’un homme que le sens de son art. Dessins et réflectographies infra-rouge permettent de suivre au plus près le cheminement de Vinci, qui réfléchit en dessinant ou peint en pensant. Le génie toscan s’intéresse à tout, aux mathématiques, à l’hydraulique ou l’astronomie. Non pas tant qu’il se rêve ingénieur mais parce que tout enrichit son art. C’est dans cette extra-territorialité, en élargissant le champ à ce qui, a priori, ne fait pas œuvre, qu’il parvient à trouver autre chose que ce qu’il cherche, à faire des découvertes de manière fortuite. Jean de Loisy l’a bien compris en voulant créer une chaire du présent, prodiguant aux étudiants des Beaux-Arts de Paris des cours de philo, sciences et économie, pour que le monde dans sa pluralité et sa complexité nourrisse leur créativité. Comme au temps de Vinci.

Article issu de l'édition N°1819