En effet, ce royaume et archipel d’un million d’habitants, où réside une importante communauté indienne, demeure « le premier pays du Golfe à s’ouvrir à l’art en rendant des cours de peinture accessibles dès 1919 », selon Amal Khalaf, co-commissaire du pavillon du Bahreïn et curatrice à la Serpentine Gallery de Londres. Doté d’un musée d’histoire où sont exposées des œuvres contemporaines acquises par la famille royale, le Bahreïn a vu se lancer, au milieu du XXe siècle, une association d’artistes toujours très active, ainsi qu’un tout récent programme, intitulé le Art BAB et soutenu par la princesse, promouvant le développement de la scène locale à l’international. Aujourd’hui, le pays offre un enseignement artistique dans son université même si nombre de jeunes artistes se forment en Occident, à l’instar d’Aysha Moayyed, passée par l’Université de Bentley et installée à Londres. Deux générations d’artistes nés avant ou après le choc pétrolier de 1973 sont ici montrées. Suivant les observations de la co-commissaire française du Pavillon, Pascale Le Thorel, leurs œuvres transitent habituellement « via le circuit du Golfe grâce à la foire Art Dubaï, ou jusqu’au Maghreb grâce aux galeries marocaines et libanaises qui représentent certains artistes. » Amal Khalaf remarque que « l’exploration du patrimoine matériel et culturel de l’extraction pétrolière et de l’industrie » fait partie des thématiques principales abordées par ces artistes. Au-delà de la scène contemporaine, la Biennale Paris fait la part belle à la joaillerie traditionnelle et aux perles du pays, reconnues pour leur extrême préciosité due à un mélange d’eau douce et d’eau de mer.
Dialogue interculturel
« Le Bahreïn est une scène méconnue, mais dont le travail n’est pas si différent de la scène internationale », observe la commissaire Pascale Le Thorel, qui propose des rapprochements entre artistes bahreïnis et français, tout en soulignant quelques spécificités du pays du Golfe. Par exemple, la peintre Balqees Fakhro dialogue avec des toiles de l’École de Paris, et une autre figure tutélaire de l’art bahreïni, Abdul Rahim Sharif – qui a étudié aux Beaux-Arts de Paris – révèle dans un triptyque des influences matissiennes. Les peintures d’Abdulla Buhijji intègrent des objets métalliques, à l’image des œuvres de Peter Klasen, membre fondateur de la Figuration narrative. La représentation des artistes-femmes est « particulièrement remarquable pour un pays arabe » et les questions d’identité et de genre, très en vogue en Occident, apparaissent notamment chez Ghada Khunji dans des photomontages mimant les tableaux de Frida Kahlo. À cet égard, Pascale Le Thorel souligne que la figuration est « très répandue et caractérise le pays, par rapport une culture habituellement dominée par l’abstraction et les arts décoratifs. » F.S.