A 51 ans, Emma Lavigne devient la première femme à diriger le Palais de Tokyo, le principal établissement français pour l’art contemporain, ouvert il y a 17 ans. C’est le terme d’un très long processus depuis le départ de Jean de Loisy il y a huit mois, qui avait finalement connu un appel à candidature sous la pression du personnel de l’institution, pour retenir trois candidats : le tandem Dorothée Dupuis et Gaël Charbau, Simon Castets et Emma Lavigne. Ce sera ainsi cette dernière qui devra rassurer des équipes exténuées, en proie à deux expositions majeures (la Biennale de Lyon en septembre et « Futur, Ancien, Fugitif » sur la scène française en octobre) ainsi qu’à la future programmation, bloquée dans l’attente d’une nomination. Son arrivée relance, pour certains, le spectre d’un rapprochement avec le Centre Pompidou (où Emma Lavigne a été nommée en 2008, avant de prendre la direction de l’antenne à Metz en 2014) évoqué lors du projet de Catherine Grenier en 2007 et finalement abandonné. Emma Lavigne doit en tout cas définir le rôle du Palais de Tokyo, face à ceux qui l’envisagent comme tremplin prescripteur pour des carrières artistiques internationales et ceux qui le voient combler les lacunes de Beaubourg, à la fois du côté des artistes émergents et de ceux en milieu de parcours. Née à Versailles d’un père ingénieur en bâtiment et d’une mère psychothérapeute, Emma Lavigne a étudié l’histoire de l’art et fut conservatrice à la Cité de la musique (avec des expositions sur la place du corps et de l’espace dans la musique), avant de devenir conservatrice au centre Pompidou, où elle a accompagnée Camille Morineau pour l’exposition emblématique « Elles » ou Christine Macel avec « Danser sa vie ». Elle y sera curatrice de l’exposition historique de Pierre Huyghe en 2013, faisant entrer dans le musée des organismes vivants, et de celle de Dominique Gonzalez-Foerster en 2015. Au Centre Pompidou Metz, elle parcourra l’art moderne (Oskar Schlemmer, « Couples modernes ») et contemporain (« Warhol Underground », Rebecca Horn), tout en étant curatrice du pavillon français de la Biennale de Venise avec Céleste Boursier-Mougenot (2015) et d'une Biennale de Lyon (2017) qui a divisé la critique. Réputée pour ses monographies muséales et son rôle de conservatrice (elle a acquis l’œuvre majeure The Clock de Christian Marclay pour le Centre Pompidou), Emma Lavigne se trouvera moins sollicitée dans ce rôle (le Palais de Tokyo n’ayant pas de collection) que par sa capacité à réunir une équipe de curateurs, fins connaisseurs du champ de l’art contemporain, et surtout à convaincre le secteur privé dont dépend le financement de la programmation du centre d’art.