Si vous le voulez vraiment, il va falloir payer. Telle semble être la quintessence de l’intervention publique en Allemagne, si l'on en croit l'histoire récente des institutions artistiques dans les partenariats public-privé. Un exemple typique est celui du Museum Kunstpalast, le musée d'art de Düsseldorf, fondé au début du XXe siècle. En 2001, la municipalité, le producteur d’électricité E.ON et le groupe de distribution Metro créent une fondation pour exploiter et financer le musée. Ce premier grand partenariat public-privé pour un musée allemand a commencé sous de mauvais auspices : après quelques années, le directeur, Jean Hubert-Martin, démissionna en se plaignant qu'E.ON essayait d'influencer son programme. Et l’aventure prit fin avec les difficultés financières d’E.ON, quand l'Allemagne décida de fermer ses centrales nucléaires. L'entreprise s'est donc progressivement retirée de l'accord : en 2019, elle sponsorise ses deux dernières expositions. La ville, qui finance le musée à hauteur de plus de 7 millions d'euros par an, alors qu'E.ON contribue à hauteur d’un million d'euros maximum, se retrouve aujourd’hui investie de la totalité de la charge financière.
Pizza et femmes artistes
Ironie du sort, il en est de même pour l'institution voisine du Kunstpalast, le NRW-Forum, même si, en l’occurrence, il n’y a pas de partenaire privé. Le Forum, qui n'a pas de collection, mais organise des expositions au carrefour de l'art contemporain, de la photographie, de la mode, du design et de la culture numérique, était cofinancé par la ville de Düsseldorf et le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Mais ce dernier s'est retiré de l’accord en 2013, les directeurs du Forum ont démissionné et l'institution a cessé son activité pour un temps. Elle n'a rouvert qu'à l'automne 2015, grâce à un engagement privé et à la décision de la ville de la financer de manière substantielle à hauteur d’un million d'euros par an. Depuis, son nouveau directeur, Alain Bieber, a attiré un jeune public avec des expositions populaires, mais un thème comme la pizza ou un spectacle du célèbre Jan Böhmermann, acteur comique de la télé, lui ont aussi valu pas mal de critiques dans le monde de l'art. Aujourd'hui, un Alain Bieber apparemment épuisé propose à la ville de Düsseldorf de fusionner le NRW-Forum et le Kunstpalast, beaucoup plus grand, dirigé depuis octobre 2017 par Felix Krämer. La municipalité attend de cette fusion des « synergies », que l'on peut probablement traduire par des économies financières. Dans les années à venir, la ville devra de toute façon consacrer beaucoup d'argent aux musées de la ville. Elle vient d'annoncer que la restauration indispensable du Kunstpalast coûtera environ 30 millions d'euros d'ici 2022. Et il ne semble pas que des sponsors souhaitent prendre l’opération en charge.
Entre-temps, le deuxième grand partenariat public-privé en Allemagne fête son dixième anniversaire et la relation semble plus heureuse. Le Museum Brandhorst de Munich, inauguré en 2009, a vu le jour lorsqu’Udo Brandhorst a fait don de sa collection et de celle de sa défunte épouse Anette Brandhorst au Land de Bavière. La condition posée était que le Land construise un musée portant son nom, ce qui a été fait. Aujourd'hui, le Brandhorst, géré dans le cadre des collections du Land, est l'un des rares musées d’Allemagne à disposer d'un budget important – grâce à la fondation Brandhorst – pour financer de nouvelles acquisitions. Il a donc pu enrichir et diversifier son fonds, notamment en donnant de l’importance aux femmes artistes – peu représentées jusqu’ici – et en équilibrant d'une certaine manière les choix subjectifs des donateurs d’origine afin de constituer une collection qui mérite vraiment d'être présentée dans un musée public.