Peintre américaine anti-conventions, née à Brooklyn, où elle fait ses études, amie proche du peintre Christopher Wool, lui-même figure déterminante dans le refus d'opposer art conceptuel et expressionnisme, Joyce Pensato est décédée jeudi dernier, à l'âge de 78 ans. Quand Joan Mitchell, figure de l’expressionnisme abstrait et sa mentor, lui avait demandé de choisir entre style « français » (l’emphase sur la lumière et la couleur) et « allemand » (d’un expressionnisme plus sombre), elle se souvient avoir menti pour lui plaire en choisissant le français. Si ses peintures au fusain noir et blanc emploient des figures inspirées des cartoons (Mickey Mouse, Felix the Cat, Homer Simpson), il ne s’agit pas de placer une distance émotionnelle, mais plutôt de détourner l’anxiété masculine des expressionnistes sur des figures pop, archétypes selon elle d’une psychose et d'un racisme latents. Sa gestualité a ouvert la voie à une génération de peintres cherchant à s’extirper de la doctrine minimale-conceptuelle. « Quand j'ai rencontré Joyce dans son atelier à Brooklyn, un ancien théâtre où il neigeait à l'intérieur, personne ne s'intéressait à son travail, elle était considérée une sauvage, se souvient la galeriste Anne de Villepoix qui l'a exposée dès 1992. Elle est restée libre jusqu'au bout, avec la même rage de peindre, pleine d'humour et détachée des contraintes sociales, restant longtemps incomprise. Je l'ai toujours soutenue, en la faisant rentrer dans la collection du MoMA, et elle était très liée à Paris, la ville qui l'a aidé à lancer sa carrière. » Son œuvre est au Centre Pompidou, au Frac des Pays de la Loire et dans les plus importants musées américains.