Reconnaissons qu’il est bien tard pour commenter le Lion d’or de la Biennale de Venise, attribué le 10 mai. Et d’autant plus audacieux que, captés par d’autres propositions, nous avons raté le désormais fameux pavillon de Lituanie. Sauf que notre terrain n’est pas purement artistique ; logistique serait sans doute le terme le mieux approprié…
Prenons, une fois n’est pas coutume, non pas le point de vue des VIP, mais celui du public, celui qui prend son ticket aux Giardini et à l’Arsenal. Le quidam de l’art contemporain qui se précipitera vers le pavillon récompensé et n’y verra qu’une plage désertée. Distingué par les professionnels de l'art, l’opéra écologique n’est dorénavant joué qu’un jour par semaine, le samedi, rapporte le New York Times. Le visiteur des autres jours n’aura droit qu’à un décor de plage, généreusement accompagné d’un fond sonore.
On ne saurait reprocher à un petit pays de ne pas s’être lancé dans une superproduction hollywoodienne. Bien avant le vernissage et leur consécration, d’ailleurs, les artistes Lina Lapelytė et Vaiva Grainytė, à qui on avait prédit 15 visiteurs par jour à tout casser, avaient lancé une campagne de financement participatif – 42 736 dollars récoltés à ce jour. La désinvolture de la Biennale de Venise, en revanche, à l’égard de son public, est affligeante. Faut-il vouloir faire détester l’art contemporain pour installer le public face à un écran débranché ? Quel producteur de cirque oserait mettre en scène des animaux empaillés ? Dès lors que le jury célèbre la performance, la moindre des choses serait de donner les moyens de performer. Privilégier une petite nation dans un pavillon excentré, c’est bien. Rétrocéder une partie de la manne déversée en quelques mois par les pays riches, c’est mieux. D’autant qu’il s’agit de diffuser un discours écologique essentiel pour une lagune qui s’enfonce...
Loin du Grand Canal, d’autres institutions prestigieuses oublient parfois le public : cartels abscons, programmation conçue pour flatter l’entre-soi, que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre… Quand les sociétés les plus sophistiquées se jettent dans les bras des leaders les plus rustiques, l’urgence commande de créer du lien. Pas des frustrations.