« Je suis un voisin heureux ». Directeur de la Villa Noailles à Hyères, Jean-Pierre Blanc ne tarit pas d’éloges sur la Fondation Carmignac, ouverte voilà tout juste un an, le 2 juin 2018, à Porquerolles (Var). Et d’ajouter : « On se sent moins seul, on partage des événements, leur présence renforce la présence des arts plastiques dans le Var. » Jean-Pierre Blanc est d’autant plus heureux que ce grand voisin l’a aidé à acquérir la Villa romaine, qui sert d’écrin à certains événements. Ailleurs aussi on salue l’arrivée de ce nouvel acteur. Un projet de bureau mobile pour les artistes est ainsi dans les tuyaux avec l’École des beaux-arts de Toulon. Quant aux relations avec le parc national de Port-Cros, qui suit de près l’impact des œuvres sur la faune et la flore locales, elles se sont aussi lissées. « On a un projet de convention qui porte à la fois sur le fonctionnement sur le site de Porquerolles, mais aussi sur des projets artistiques. Nous voulons que les artistes s’inspirent du cadre de l’île et de sa biodiversité », précise Marc Duncombe, directeur du parc. À l’image du jardin aménagé par Louis Benech, qui verra pousser cet été une forêt de cannes de Provence, la Fondation Carmignac s’épanouit lentement, mais sûrement et s’intègre à l’écosystème local.
Rien n’était pourtant gagné. Lorsqu’Édouard Carmignac, qui a fait fortune dans les fonds d’investissement, annonce voilà six ans son désir de prendre pied au domaine de La Courtade, les riverains haussent les sourcils. Tous redoutent que le chantier ne porte atteinte à leur tranquillité et qu’un parisianisme exacerbé, dont pâtit aujourd’hui Arles, ne modifie l’ADN sauvage de leur île. La démission de l’architecte Marc Barani, à qui l’on doit la piscine transformée en puits de lumière, point fort du réaménagement, puis de l’ancienne directrice Gaïa Donzet, font jaser. L’histoire semble mal emmanchée. C’est sans compter sur le fils Carmignac, Charles de son prénom, qui a su parlementer avec les autorités locales et apprivoiser les îliens, qui bénéficient désormais d’une carte d’accès gratuite.
Virage artistique
Un an après d’ailleurs, le succès est au rendez-vous. Il se mesure en chiffres – 70 000 entrées contre 30 000 escomptées –, mais aussi dans le profil des visiteurs. Aux touristes culturels se sont greffés des excursionnistes peu férus de musées. « Il y a une forte proportion de gens qui n’ont jamais vu un Basquiat ou un Warhol de leur vie », raconte Charles Carmignac. Ainsi se souvient-il d’un homme qui, s’attardant longuement devant un tableau de Richter, avait inquiété le PC de sécurité. « Le type un peu bourru nous lâche : "Je ne connais rien à l’art, mais là-dedans, je vois toute ma vie." » Quant aux îliens, ils semblent avoir baissé les armes. « Ils sont motivés, proposent des idées, sont prêts à accueillir des artistes en résidence, poursuit Charles Carmignac. Il y a sur l’île 200 habitants, mais 27 associations, c’est très vivant culturellement et politiquement. » La Fondation se verrait d’ailleurs bien contribuer à la programmation du futur musée des cultures et du paysage prévu en 2020 dans une ancienne banque mitoyenne de l’Hôtel de ville.
Artistiquement aussi, les Carmignac ont changé leur curseur. Si le coup d’envoi ressemblait à un best of à peine raisonné de la collection, la nouvelle exposition « La Source », imaginée par la curatrice Chiara Parisi, est bien plus structurée et ancrée dans l’esprit du site. À l’accrochage se grefferont, à partir du mois de juin, des visites nocturnes et musicales du site, guidées par les voix envoûtantes de Patti Smith ou Charlotte Gainsbourg. Charles Carmignac le promet, nous ne sommes pas au bout de nos surprises...
À voir
« La Source », jusqu’au 3 novembre, Fondation Carmignac, Île de Porquerolles. fondationcarmignac.com