La culture ne figurait pas dans le traité de Rome de 1957. Elle est tout aussi absente des programmes des candidats français aux élections européennes des 25 et 26 mai. Jacques Delors, grand architecte de l’Union européenne, l’avait pourtant déclaré en 1989 : « On ne tombe pas amoureux d’un marché unique. » Mais on se passionne pour une ville, un monument, des livres et des traditions, surtout si on les découvre jeune. C’est à la culture et à l’éducation que l’on doit d’ailleurs l’un des plus grands succès européens : le programme Erasmus. Un programme baptisé « Europe créative », dédié à la culture et aux médias, a bien été mis en place et confortablement doté d’1,46 milliard d’euros entre 2014 et 2020. Mais l’usage même de cette manne, qui sera doublée pour la période 2021-2027, reste dans le secret jaloux des eurospécialistes patentés.
Il a fallu l’incendie de Notre-Dame pour que les membres de l’Union européenne se sentent soudain liés par quelque chose de plus de plus grand qu’un traité et des accords de libre échange. « Notre-Dame de Paris est Notre-Dame de toute l’Europe », poste illico Donald Tusk, président du Conseil européen, exhortant les États à participer à la reconstruction de la cathédrale. Plus simple toutefois de fédérer autour d’un héritage – fut-il chrétien – que d’un présent, qui souvent ne se résume qu’à l’angoisse d’être avalé ou lissé par le grand marché anglo-saxon. Le concept d’« insécurité culturelle », ravivé lors du débat public français autour des gilets jaunes, vaut plus encore à l’échelle d’un continent qui ne sait plus très bien ce qu’il a en commun et le distingue vraiment des autres puissances. Face aux fièvres nationalistes, les europhiles tempérés, nonobstant les liaisons low cost qui facilitent les week-ends culturels dans les capitales européennes et les jamborees d’art contemporain, ont perdu la guerre de l’imaginaire.
Il y a bien un artiste, Wolfgang Tillmans, qui essaie de mobiliser les troupes, à coup de slogans œcuméniques diffusés sur le site votetogether.eu. Mais il en faudrait d’autres – au moins 27 – pour donner un souffle à l’Europe des citoyens et de la culture rêvée par l’écrivain Stefan Zweig. Est-il encore temps de l’espérer seulement ?