Ce sont les travailleurs de l’ombre, dont les noms sont rarement indiqués sur les cartels, qu’on n’invite pas aux dîners de vernissage, auxquels on reconnaît rarement le statut d’auteur et dont les budgets sont grignotés d’année en année. Sans les scénographes, qui pensent l’œuvre dans l’espace et l’espace entre les œuvres, les expositions seraient pourtant inintelligibles. « On se met en retrait pour mettre en valeur les œuvres », résume la talentueuse Jasmin Oezcebi, qui exerce au Centre Pompidou, seule institution dotée d’un service de sept architectes-scénographes. Adrien Gardère, qui a notamment réalisé la scénographie de la Galerie du Temps au Louvre-Lens et réveillé la Royal Academy of Arts à Londres, se voit lui en « traducteur ». Et de préciser : « Je transpose en espace, en sensations des idées développées par des sachants. Une des clés, c’est vaincre l’appréhension du visiteur, désamorcer l’intimidation du seuil. »
Ainsi, à la Galerie du Temps, Adrien Gardère voulait-il qu'« un visiteur puisse saisir ce qui est à l’œuvre sans lire de panneau », indique-t-il. Pas simple car il y a un monde entre feuilleter les pages d’un livre et faire trois pas devant une œuvre. « Il faut que la scénographie soit un élément révélateur du contenu, pas un support du contenu », précise le jeune scénographe Ramy Fischler. Un vrai casse-tête tant les publics, comme les durées de visite, ne sont pas uniformes. Prenons le cas du Mémorial de la Shoah : son audience se compose aussi bien de visiteurs très informés et concernés, donc attachés avant toute chose à la véracité de l’information, et un public plus jeune, qui n’a pas le même bagage et dont l’attention est plus difficile à capter. « Si vous en donnez trop, certains pensent que ce n’est pas pour eux, observe Ramy Fischler, qui a réalisé trois scénographies…