Guillaume Piens, le commissaire général d'Art Paris, sait capter l'air du temps et son focus sur l'Amérique latine entre en écho avec le festival que lille3000 inaugure fin avril (sous un intitulé prompt à enflammer l'imagination : « Eldorado »). Si, on s’en souvient, les institutions politiques avaient annulé l'année culturelle France-Mexique en 2011, le marché de l'art a pris le relais. Cette édition d’Art Paris confirme sa bonne santé avec une trentaine de galeries et une soixantaine d'artistes venant du Chili, du Pérou, d'Argentine, du Mexique, de la Colombie, de Cuba, du Venezuela ou du Brésil.
Saveur napoléonienne
Les liens avec Paris sont très anciens, puisque « c’est en France que la notion d’Amérique latine a vu le jour sous le Second Empire, à l’époque où Napoléon III essayait d’étendre son influence sur les nouvelles nations indépendantes dans le cadre d’une union pan-latine », rappelle Valentina Locatelli, la commissaire de cette section baptisée « Étoiles du Sud ». Des ponts ont été jetés récemment du côté des galeries, à l'image de Younique, installée à la fois à Lima et à Paris, ou du côté des artistes comme Betsabeé Romero – auteure d’une installation à l'entrée du Grand Palais –, venue faire ses études à l'École des beaux-arts de Paris dans les années 1980, mais vivant au Mexique depuis.
Politique et abstraction
Tenter de donner un dénominateur commun à une création répartie sur quelque 20 millions de km2 peut sembler vain. Or, les 18 pays partagent une histoire douloureuse, de l'arrivée des conquistadors aux récentes crises économiques et politiques, en passant par les périodes de dictature. Valentina Locatelli identifie plusieurs tendances : l'art abstrait géométrique (Carlos Cruz-Diez, Ivan Contreras-Brunet ou Marino Di Teana), la quête d'une identité nationale (Nicola Costantino, Edi Hirose et Mariú Palacios) ou l'importance du message politique (José Luis Martinat, Felipe Ehrenberg) et social (Carmen Mariscal). Dans la jeune scène émergente, les prix sont encore sous la barre des 5 000 euros, comme pour Julian Burgos chez La Balsa Arte (Bogotá), Carmen Mariscal chez Ana Mas Projects (Barcelone) ou Adonis Flores chez Xin Dong Cheng Gallery (Beijing).
Vidéo en pointe
La vidéo a pris une place particulièrement importante ces dernières années, d'où la project room dédiée à ce médium – présentant des œuvres toutes réalisées après 2000. « La vidéo fournissait au départ, à moindre frais, un instrument commode pour contester les régimes en place dans la région. En soixante ans, elle s’est imposée chez les artistes d’Amérique latine, qui en ont fait l’un de leurs outils privilégiés pour soulever des questions locales ou universelles concernant la race, les rapports homme-femme, l’identité, la violence ou l’exploitation des ressources sociales et des ressources naturelles », poursuit Valentina Locatelli. L'installation monumentale de Nicola Costantino, El verdadero jardín nunca es verde [Le vrai jardin n’est jamais vert] (30 000 euros), est une relecture en 3D de la « fontaine de vie » du Jardin des délices de Jérôme Bosch. Le lien entre l'ancien et le nouveau monde perdure…
Art Paris 2019 « Étoiles du Sud : une exploration de l’art de l’Amérique latine »
Du 4 au 7 avril, de 11h30 à 20h (nocturne jusqu’à 21h le 5 avril, fermeture à 19h le 7 avril)
Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris
artparis.com