Le Quotidien de l'Art

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Carolee Schneemann, artiste féministe pionnière, est décédée

Carolee Schneemann, artiste féministe pionnière, est décédée
Carolee Schneemann chez elle à New York en 1996.
Photo Joan Barker/Courtesy P.P.O.W.

« Meat Joy était un rite érotique : excessif, indulgent ; une célébration de la chair en tant que matière, un élan vers l'extatique changeant entre tendresse, sauvagerie, précision, abandon, à la fois sensuelle, comique et repoussante », disait Carolee Schneemann de sa plus célèbre performance, montrée pour la première fois en 1964 à l'American Center de Paris. L’artiste américaine, décédée le 6 mars à 79 ans, a appris de son père docteur une vision moins idéalisée du corps humain. Accusée d’obscénité pour ses autoportraits d'elle nue les jambes écartées, elle fut expulsée du Bard collège de New York. Dès le début des années 1960, elle chercha à élargir le principe d’une peinture-action à la performance, transformant son corps en outil et employant serpents et miroirs dans des rituels libératoires. « Je réagissais contre les formes féminines du Pop art au vernis mécaniste lisse et contre l'érotisme masculin lubrique qui supprimait notre expérience », disait-elle. Carolee Schneemann fut co-fondatrice du mythique Judson Church Theater, tandis que ses actions et films marquèrent l’imaginaire de son époque. Son film expérimental Fuses (1967), qui montre une étreinte avec le compositeur James Tenney, fut considéré inacceptable du fait même qui soit signé par une femme, tandis que dans la fameuse performance Interior Scroll (1975), elle lit un texte sur la misogynie dans l’art inscrit sur un rouleau de papier extrait de son vagin. Si l'artiste a reçu des critiques à la fois de la morale dominante et de certaines féministes qui considéraient son travail essentialiste et narcissique (le plus dur, selon elle), il a fini par être reconnu comme un témoignage essentiel d’appropriation du pouvoir des femmes sur la représentation de leur propre corps et de leur sexualité. Un apport à l'histoire de l'art contemporain récompensé en 2017 par le Lion d'or de la Biennale de Venise.

Carolee Schneemann, "Eye Body #11", 1963.
Carolee Schneemann, "Eye Body #11", 1963.
Photo Erró/Courtesy succession Carolee Schneemann/Galeries Hales, Lelong & Co. et P•P•O•W.

Article issu de l'édition N°1677