Accompagnée de la curatrice Martha Kirszenbaum, l’artiste Laure Prouvost (née à Croix, dans le Nord, en 1978) a présenté hier au Palais de Tokyo son projet pour le Pavillon français de la Biennale de Venise, qui ouvre le 11 mai. Fidèle à son refus des formalités, sa présentation a été ponctuée par la performance du magicien Kader, qui a fait léviter la table de la conférence devant le ministre de la Culture, Franck Riester. Le projet réunit ses centres d’intérêt en lien avec des questions actuelles - comme son attention à l’intelligence animale, qui lui fera envelopper le pavillon des tentacules d’un poulpe, dans lequel il faudra entrer. On fera ensuite un peu d’escalade et l’on traversera des tunnels pour arriver à l’élément central du projet : un film tourné avec une troupe bigarrée, embarquée dans un road trip de la banlieue parisienne (elle s’est intéressée à l’architecture visionnaire d’Émile Aillaud à Nanterre ou à Grigny), jusqu’à Marseille, creuset des cultures de l’émigration, en passant par des terrils abandonnés de Roubaix ou le palais du Facteur Cheval. La rencontre avec ce dernier n’est pas étonnante : Laure Prouvost aime remettre en question les frontières avec les artistes outsider, a une passion pour des arts longtemps jugés mineurs (céramique, tapisserie) et un goût pour l’invention d’un récit biographique, y compris en affabulant. À une époque où la question des identités est si présente, sa position est singulière : s’inventant une famille pour son film qui mélange les âges et la diversité sociale française (du rappeur Bamar au père Benoit), elle cherche à rendre toutes les positions mobiles. Étant seulement la troisième femme invitée à représenter la France à Venise (après Annette Messager en 2005 et Sophie Calle en 2007), elle s’empare du féminisme, mais aussi du surréalisme, pour envisager d’autres relations aux éléments naturels, au désir et aux sens.