Après une édition très marquée par le débat autour de l’héritage colonial - jusqu’à produire une certaine irritation au jury, qui a préféré attribuer le prix au seul travail ne portant pas sur ce sujet -, cette 19e édition du prix paraît plus sage, portée par un rééquilibrage des disciplines, après une année dominée par la vidéo. Face à l’audace britannique du prix Turner ces dernières années - attribué à une artiste de 63 ans, longtemps oubliée, issue du mouvement Black Art des années 1980 (Lubaina Himid) ou à un collectif d’architectes investi dans le travail communautaire (Assemble) - se pose la question des critères qui structurent la liste initiale d’une centaine d’artistes envoyée aux membres de l’ADIAF. Quelle place dans ce contexte pour les collectifs, la performance ou des démarches à la lisière de l’art ? Les films d’Éric Baudelaire brouillent les codes du documentaire et travaillent la question de la post-vérité, de l’usage politique de la fiction et de la conspiration (jusqu’à inventer un pays imaginaire). Katinka Bock a déployé au fil des années un travail de sculpture attentif à l’archéologie des gestes qui ont construit notre vie matérielle, au rapport entre la biographie des objets et l’empreinte du corps, ou à l’introduction d’éléments végétaux et animaux qui décentrent l’échelle humaine. Le travail de Marguerite Humeau engage un dialogue étroit avec des scientifiques : au Palais de Tokyo, elle a exposé un cimetière d’éléphants associé à des recherches sur l’origine de la vie consciente et du langage, tandis qu’à la Tate elle proposait un laboratoire pour un élixir de vie éternelle. Ida Tursic & Wilfried Mille inscrivent leur peinture dans le champ de bataille des images, empruntant à tous les registres (pornographie, publicité, peinture abstraite) pour réfléchir à une culture visuelle dépassant l’histoire de l’art. Le prix Duchamp, doté de 35 000 euros, sera attribué le 14 octobre.
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