« À ceux qui croient que l’initiative n’appartient qu’à l’histoire, je réponds par des inquiétudes cordiales. Car je sais que nous lèverons l’ancre. Et je pleure dans le soir, juste avant la tristesse de l’été. Au cœur de la banlieue, quand vont les filles et les garçons. » Les mots écrits par Pierre Giquel trouvent une résonance plus mélancolique au moment de sa disparition, samedi 29 décembre, à l’âge de 64 ans. Écrivain, poète, critique d’art et figure incontournable de la scène artistique de Nantes, où il a enseigné pendant trente ans aux Beaux-Arts, il a marqué de nombreux étudiants de sa générosité et de sa flamboyance dandy, donnant à l’art l’empreinte élégante de l’odyssée d’une vie. Avec Jean-François Taddei à la direction du Frac des Pays de la Loire (de 1988 à 2004), il a été l’une des personnalités incontournables d’une scène au rayonnement international : de Fabrice Hyber - son compagnon, avec qui il s’était marié le 9 avril dernier - à Bruno Peinado, en passant par Pierrick Sorin, Saâdane Afif, Gaillard & Claude, Christelle Familiari, Florian et Michael Quistrebert ou We Are The Painters. Son insolence teintée de goût littéraire, son allure et son enthousiasme, sa passion pour Françoise Hardy comme d’autres citeraient Marcel Duchamp, ont traversé les colonnes d’Art Press, la création de la revue Interlope la Curieuse (1990) et de nombreuses monographies d’artistes qui pouvaient évoluer sous la forme de chansons, lectures, pièces sonores ou œuvres d’art. « Je dirais que Pierre Giquel est une figure du double et ce dès l’acte de naissance car il avait une sœur jumelle. Lui-même jouait de son nom en parlant de Jekyll, cette figure de la réversibilité. Il avait à la fois un fin goût pour les mots et un sens de la provocation, teinté d’un refus de tout autoritarisme dans la transmission, sans hiérarchie », évoque l’artiste Cécile Paris, amie et collègue aux Beaux-Arts de Nantes. Ses textes ont été réunis dans Les Géographies irrégulières (éditions Jannink, 2017).