À l’ombre de la tonitruante Lagos, Abidjan fait figure de belle endormie sur ses acquis. Plus old money que sa clinquante rivale nigériane, la capitale économique ivoirienne, leader culturel de l’Afrique francophone et anglophone des années 1960 à la moitié des années 1980, n’occupe pas, en matière d’art, la position qu’elle devrait au vu de son histoire et de son potentiel socio-économique. Si les arts vivants défendent encore sa réputation, l’art contemporain — désormais celui qui compte dans la ruée vers l’Afrique — reste à la traîne, malgré des artistes remarqués (Frédéric Bruly Bouabré, Ouattara Watts, Jems Robert Koko Bi, Franck Abd-Bakar Fanny, Aboudia, Armand Boua, François-Xavier Gbré, Joana Choumali…) Manque d’institutions, de politique publique et faible visibilité des initiatives privées : Abidjan, qui n’accueille aucun événement majeur du continent, semble hors course. C’est pourtant là qu’en octobre 2019 sera exposée une quarantaine d’oeuvres de Picasso. L’occasion d’un réveil ? Réponse de trois des principaux acteurs locaux.
Illa Ginette Donwahi, femme d’affaires et collectionneuse, a créé la Fondation Donwahi en 2008. Issue de l’élite ivoirienne, celle qui a connu la période de grande prospérité des années 1970-1980, se souvient : « Abidjan a toujours été un hub économique et de nombreux artistes africains renommés sont passés par notre école des Beaux-Arts. Le bouillonnement de la vie culturelle ivoirienne ne date pas d’hier. La communication et les réseaux sensibilisent…