C’est un véritable Européen qui a été choisi pour succéder à Sylvie Hubac, partie en juillet dernier à la section de l’intérieur du Conseil d’État. Belge flamand, né en 1958 à Lierre, près d’Anvers, polyglotte (flamand, anglais, allemand, français), Chris Dercon se prépare à diriger une grande institution dans un quatrième pays de l’Union après les Pays-Bas, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Passé par le musée Boijmans van Beuningen de Rotterdam (1996-2003), puis par la Haus der Kunst à Munich (2003-2011), il avait ensuite fait l’unanimité à la Tate Modern de Londres (2011-2016), emportant l’adhésion des équipes et du grand patron, Nicholas Serota. Il y avait monté plusieurs expositions marquantes (comme « The World Goes Pop ») et préparé l’ouverture du nouveau bâtiment. Son départ, annoncé en avril 2015 avec beaucoup d’avance, avait surpris, d’autant qu’il s’agissait — peut-être par goût du défi et du renouvellement — de se reconvertir dans un tout autre secteur : la gestion de la Volksbühne, l’un des plus vénérables théâtres berlinois. Succédant à un monstre sacré comme Frank Castorf, en place depuis 25 ans, il a rencontré là le premier véritable échec de sa carrière, suscitant la fronde du personnel et des acteurs, qui voyaient dans son profil une tentative de « gentrification » d’une des scènes les plus radicales du pays. Un mouvement d’occupation des lieux, une pétition ayant recueilli 40 000 signatures, de constantes attaques via les réseaux sociaux (et pas uniquement : des excréments furent déposés devant son bureau) l’ont poussé à jeter l’éponge en avril dernier, après seulement neuf mois aux commandes. En le nommant, le ministre de la Culture, Franck Riester, a souligné sa « vision de l’art et du rôle des institutions culturelles au XXIe siècle ». Chris Dercon, qui prendra ses fonctions en janvier prochain, sera chargé de piloter la transformation du Grand Palais, qui doit fermer deux ans pour des travaux dont le montant pharaonique (466 millions d’euros) a récemment alimenté des analyses critiques.