Le Quotidien de l'Art

Acteurs de l'art

4 questions à Christophe Person, directeur du département d’art contemporain africain chez PIASA

Les grandes tendances de la création contemporaine

Quelles sont les tendances qui émergent aujourd'hui ?

Je remarque un intérêt croissant pour l’art moderne africain. Le succès de la vente Pierre Loos que PIASA a organisée en septembre en témoigne. Bien sûr, les écoles modernes du Congo, notamment celle du Hangar, sont les plus connues grâce à l’exposition « Beauté Congo » à la Fondation Cartier, en 2015. Cependant, il existe plein d’autres mouvements qui se sont développés dans la seconde moitié du XXe siècle et qui méritent d’être redécouverts : l’école de Dakar, créée sous l’impulsion de Senghor par exemple. Nous présentons chez PIASA une tapisserie de Papa Ibra Tall, tissée pour la Biennale Dak’art 2018. Au Mozambique, Ernesto Shikhani (premier artiste moderne africain présenté à Frieze London en 2018 par la Galerie Perve, présente également à AKAA) et Malangatana, qui ont témoigné de la guerre civile, sont des artistes de premier niveau. On peut aussi penser aux sculpteurs de l’école de Makondé, présentés aux « Magiciens de la Terre ». S’agissant de la création contemporaine, indépendamment des individualités, je constate l’émergence de courants propres à certaines régions.

De quelle façon cela s'exprime-t-il ?

Sans faire de généralités qui engloberaient l’ensemble des pratiques, on voit qu’en Afrique de l’Ouest de nombreux artistes s’intéressent à la question des origines, de la mémoire. C’est le cas, au Sénégal, de Kassou Seydou et d’Aliou Diack — dont j’ai découvert la puissance du travail à la Biennale de Dakar — ou du Togolais Sadikou Oukpedjo, qui traite du rapport de l’homme à l’animal et à son environnement. En Ouganda, les messages véhiculés sont différents. Ian Mwesiga et Paul Ndema ont une peinture dans la lignée de l’hyperréalisme social, traitant du quotidien des personnes noires, dans la lignée des artistes Africain-Américains comme Kerry James Marshall ou Crosby, à l’opposé de notre vision exotique, post-coloniale du corps noir. Eux traitent des questions du genre, de la sexualité ou des conséquences de l’éducation religieuse. D'autres proposent une écriture alternative de l’histoire et de l’histoire de l’art, tel Marc Padeu et ses représentations des scènes bibliques.

En tant que collectionneur, qu'avez-vous déjà acheté sur la foire AKAA ?

J'y ai acheté l'année dernière trois photos sublimées de broderies de la série « Ça va aller » de Joana Choumali, sur le stand de la galerie londonienne 50 Golborne. Je connaissais déjà son travail de photographe. « Ça va aller » a été réalisée suite à l’attentat de Grand-Bassam, station balnéaire de Côte d’Ivoire. Une foire comme AKAA permet de découvrir des œuvres et des artistes, ce qui est passionnant.

Pourriez-vous nous donner des exemples de l'évolution des prix  ?

Je pense à Aboudia, artiste présent sur la scène artistique depuis le moment charnière où on a été témoins du décollage de l'art contemporain africain, il y a 7 ou 8 ans. Il a été exposé à la galerie Jack Bell à Londres ou chez Saatchi, qui sont deux importants influenceurs du marché. Il est passé de quelques centaines d'euros à ses début pour flirter maintenant avec les 50 000 euros. Ou encore à Abou Traoré, qui est passé de 1 000-2 000 euros il y a deux ans à 25 000 euros lors de notre vente en avril dernier...

À voir

« Art Contemporain Africain », vente le 14 novembre à 18h, PIASA,

www.piasa.fr

Article issu de l'édition Hors-série du 09 novembre 2018