Le Quotidien de l'Art

Marché

Le jubé de Chartres devant le Conseil constitutionnel

Le jubé de Chartres devant le Conseil constitutionnel
Le fragment du jubé de Chartres dit « à l’Aigle », réclamé par l’État. D.R. Courtesy galerie Brimo de Laroussilhe

Début 2018, la Cour d’appel de Paris a ordonné à la galerie parisienne Brimo de Laroussilhe la restitution à l’État d’un fragment du jubé de la cathédrale de Chartres en raison de son appartenance au domaine public (QDA du 31 janvier). La galerie s’est pourvue en cassation et a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité pour savoir si l’article L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes – selon lequel les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles – n’était pas inconstitutionnel en ne prévoyant aucune dérogation pour les biens culturels acquis par des propriétaires de bonne foi. En dépit du raisonnement soutenu par l’avocat de la galerie, Me Alain Bénabent, le Conseil constitutionnel a estimé, ce vendredi 26 octobre, « qu’aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être valablement constitué au profit de tiers » et « qu’un tel bien ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive en application de l’article 2276 du Code civil au profit de ses possesseurs successifs, même de bonne foi ». Ne jugeant que de la conformité des textes, la solution des sages n’est pas un camouflet et doit se comprendre au regard de l’arrêt du Conseil d’État du 21 juin dernier, qui a ouvert la possibilité de réclamer à l’État une juste indemnité, suite à la restitution du Pleurant n° 17 (QDA du 22 juin). Comme le rappelle Me Corinne Hershkovitch, spécialiste des biens culturels et du marché de l’art, « si l’État peut revendiquer des biens culturels, c’est parce que ceux-ci ont été méticuleusement conservés par des particuliers. Le Conseil constitutionnel ne ferme donc pas la porte à un rétablissement de l’équilibre entre l’État et les propriétaires ». Alors que la Cour européenne des droits de l’homme aura à connaître du Pleurant, reste à savoir quelle sera la position de la Cour de cassation face à ce « jubé de la discorde ».

Article issu de l'édition N°1594