Pierre Théberge, grande figure des musées canadiens, est décédé le 5 octobre à 76 ans. En 1966, après avoir étudié au Courtauld et à l’Université de Montréal, il entre comme conservateur de l’art canadien contemporain au Musée national à Ottawa, dont il ouvre les portes à de jeunes artistes. Il en claque la porte en 1979, en désaccord avec la directrice, Hsio-Yen Shih. Devenu conservateur en chef à Montréal, il y obtient un premier succès l’année suivante en présentant l’imaginaire de Tintin, puis alterne les expositions sur Picasso, Dali et Bouguereau avec le cinéma d’animation ou les voitures de collection, sans se soucier des controverses. En 1998, il revient pour onze ans à Ottawa comme directeur du musée, où il accueille en 2008 l’exposition de Jean Clair sur le mythe de l’homme nouveau, jamais montrée en France. Il intègre également l’art autochtone et installe devant le musée Maman, l’araignée monumentale de Louise Bourgeois devenue un symbole de la ville. Outre sa maladie de Parkinson, diagnostiquée en 2002, sa fin de règne a été affectée par un violent conflit avec son adjoint, David Franklin, qui a plongé le musée dans une longue crise d’identité. BD, jazz, cinéma (il fut ami de Louise Brooks), rien ne lui semblait étranger, il entendait « rendre l’art accessible à tous », selon les mots du journaliste Nicolas Mavrikakis, qui a réalisé un livre d’entretiens avec lui. Il rêvait d’une dernière exposition « semi autobiographique » avec une quinzaine de tableaux, un par salle.