Incertitude. Ce mot, les acteurs culturels libanais le connaissent bien. Ils sont rompus à l’imprévu, à une économie en berne, une corruption galopante, une guerre à deux heures de là, à la frontière avec la Syrie, un gouvernement fragilisé par les Saoudiens. Sans oublier les déchets qui continuent de s’accumuler, polluant l’air et le paysage. Imaginer une permanence sur des sables mouvants est le sport national libanais. Les aléas d’un pays perméable aux fractures politiques régionales, la sphère privée s’en est fait une raison. Le Beirut Art Center est ainsi né en 2006, au pic des attentats. En 2013, alors que l’armée américaine basée à Chypre pointait ses roquettes vers Damas, la Beirut Art Fair a reçu 7 000 visiteurs de plus que l’année d’avant. « Il y a ici une adrénaline qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs parce qu’on sait qu’on ne peut compter que sur soi », confie la jeune galeriste Joumana Asseily, fondatrice de Marfa’ Projects. « Dans toute la ville, il y a l’énergie de la résilience », sourit l’artiste et cinéaste Joana Hadjithomas qui partage son temps entre Paris et Beyrouth. Et de poursuivre : « Cette énergie, c’est celle de l’urgence, car on a l’impression que tout peut disparaître. Ce pays te responsabilise. On reste sur le qui-vive. Les acteurs culturels ne peuvent pas avoir le luxe de la fatigue car ils savent qu’ils sont importants pour des générations d’artistes ».
S’il y a bien une femme qui ne s’est pas essoufflée, c’est Christine Tohme, fondatrice en 1993 de l’association Ashkal Alwan et du forum Home Works organisé tous les deux ans. Cette forte tête a persévéré contre vents et…