Dans le cadre de la succession du marchand Ambroise Vollard (décédé en 1939), un de ses ayants droit détourna, au début des années 1940, sept œuvres signées de Cézanne, Gauguin et Renoir, qui furent vendues par des tiers aux autorités allemandes. À la fin de la guerre, celles-ci sont revenues sur le sol français en tant que MNR (Musées Nationaux Récupération). Les ayants droit de la succession Vollard estimant que ces œuvres, qui avaient été subtilisées illégalement lors de l’inventaire successoral, leur appartenaient toujours, en ont demandé la restitution à l’État français en 2013. Le ministère de la Culture a formé en 2016 une décision de refus que les ayants droit ont contesté devant le juge administratif. En octobre 2017, cette décision a été annulée pour vice de forme puisque la directrice chargée des musées, Marie-Christine Labourdette, n’était pas compétente pour prendre un tel acte, dénotant au passage le manque de rigueur du ministère. Les ayants droit se sont tournés vers le tribunal de grande instance de Paris afin de se voir reconnaître leur propriété sur ces œuvres. Si le juge judiciaire s’est déclaré compétent en novembre 2017, la Cour d’appel de Paris a rappelé par un arrêt du 3 juillet dernier qu’il ne l’était pas : seul le juge administratif peut saisir son homologue judiciaire. Cette répartition des compétences, spécifique aux MNR et conforme à un arrêt du Conseil d’État du 30 juillet 2014, pourra être prochainement respectée. Suite à l’annulation de la première décision du ministère, celui-ci a émis une seconde décision de refus qui est actuellement contestée par les ayants droit devant le juge administratif. Ce dernier aura donc la possibilité de saisir le juge judiciaire pour déterminer enfin la propriété des MNR litigieux. Alors que le rapport Zivie sur les œuvres spoliées demeure dissimulé dans les tiroirs de la rue de Valois (voir le QDA du 29 mars 2018), les obstacles dressés par le ministère afin d’enrayer ce litige ne sont pas sans questionner sa réelle volonté de restituer des MNR dont il n’est que gardien et qui sont, par ailleurs, ici parfaitement documentés.