Lorsqu’on demande à Kamel Mennour comment il prépare la foire de Bâle, il répond sans ciller : « On passe des nuits blanches ». Le galeriste parisien a beau avoir une enseigne puissante, il a « toujours l’impression de passer un examen ». « Avec l’équipe, on pense depuis janvier à ce qu’on va présenter, et on doit presque enterrer les œuvres pour les ressortir à ce moment-là, poursuit-il. Il faut représenter l’ADN de la galerie, un instantané de ce qu’on fait toute l’année sur 70 m2. C’est du funambulisme : qui, quoi, comment ? » Ces questions, les quelque 290 exposants de la foire de Bâle se les posent à chaque édition. Car l’enjeu est de taille. Selon le dernier rapport UBS-Art Basel les foires représentent jusqu’à 46 % du chiffre d’affaires des galeries. Et Art Basel est celle où les transactions sont les plus importantes, du moins pour les grosses enseignes. « Bâle, c’est la Mecque ou le Vatican pour l’art », résume le conseiller et curateur new-yorkais Olivier Renaud-Clément. « C’est l’équivalent de Davos pour le monde de l'art, ajoute la galeriste parisienne Nathalie Obadia. Il faut y être, y participer, y être vu, c’est un rendez-vous global pour tout le monde de l’art. »
Foire-musée
Lorsque la foire a vu le jour en 1970 à l’initiative de Trudi Bruckner, Balz Hilt et Ernst Beyeler, personne ne soupçonnait la place incontournable qu’elle prendrait sur l’échiquier de l’art contemporain. Le marché de l’art ne concernait que quelques centaines de collectionneurs, dont une grande partie concentrés dans la Ruhr, où Art Cologne, la plus ancienne des foires, s’était lancée en 1967. La spéculation n’était pas à l’ordre du jour, pas plus que la mondialisation. Et quand on parlait argent, c’était du old money. Sous l’influence de ses directeurs Lorenzo Rudolf dans les années 1990, puis Samuel Keller et récemment Marc Spiegler, la foire de Bâle a pris une place telle qu’on ne dit plus « faire Art Basel », mais « faire Bâle », la foire et la ville venant à se confondre. Malgré la floraison de concurrentes comme Frieze, Art Basel reste insubmersible car elle allie tradition, sérieux et inventivité. « Elle reste la foire numéro un car elle a une dimension internationale alors que toutes les foires sont plus ou moins régionales, analyse le galeriste Thaddaeus Ropac. A Miami c’est axé sur les latino-américains, à Hong Kong c’est le marché asiatique. En revanche à Bâle, même s’ils ne viennent que pour un jour, les gens du monde entier font le déplacement. » A côté, Frieze fait pâle figure. « Frieze c’est compliqué, il y a un problème d’identité, estime Samia Saouma, directrice de la galerie Max Hetzler. Ils ont créé trois foires, dont deux…