Depuis 2012, l’artiste Peter Klasen (né en 1935) défraie la chronique judiciaire pour avoir reproduit des photographies de mode réalisées par Alix Malka afin de les inclure dans ses œuvres. Il s’agit de la situation classique d’une œuvre dérivée (Klasen) dans la dépendance d’une œuvre préexistante (Malka) qui aurait nécessité que l’artiste obtienne au préalable l’autorisation du photographe. En l’absence de cette dernière, Malka avait assigné l’artiste pour contrefaçon. Le 18 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris avait fait prévaloir le droit d’auteur de Malka sur la liberté d’expression de Klasen en considérant qu’il n’y avait pas lieu de les mettre en balance en dehors des hypothèses prévues par les exceptions du droit d’auteur (la parodie invoquée par Klasen avait été rejetée par les juges) et avait condamné à l’artiste à des dommages et intérêts de 50 000 euros. Mais, en 2015, la Cour de cassation n’a pas suivi cette approche car les juges d’appel n’avaient pas expliqué de façon concrète en quoi la recherche d’un juste équilibre entre le droit d’auteur et la liberté d’expression avait conduit à la condamnation de Klasen. Ce litige était d’importance car la suprématie de la liberté d’expression sur le droit d’auteur pouvait conduire à vider le principe de la contrefaçon tout en offrant une base juridique au courant « appropriationniste » de certains artistes (voir Le Quotidien de l’Art des 9 janvier et 27 février 2015, chroniques d’Agnès Tricoire). C’est pourquoi la position de la Cour d’appel de Versailles, désignée pour rejuger l’affaire, était vivement attendue. Ce vendredi 16 mars, elle a estimé que Klasen ne justifiait pas que l’utilisation sans autorisation des photographies de Malka était nécessaire à sa liberté de créer (à l’image d’une décision de mars 2017 concernant le Naked de Jeff Koons). Aussi, la recherche d’un juste équilibre entre la liberté d’expression et le droit d’auteur de Malka justifiait que Klasen soit condamné à lui payer des dommages et intérêts, en réparation des contrefaçons, à hauteur de 50 000 euros. Pour autant, cette solution n’est pas intangible et l’équilibre pourrait être remis en cause par le juge, à l’aune de ce nouveau « contrôle de proportionnalité », dans des faits similaires.