Alexandre Crochet_Que retenez-vous d’Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé ?
Jacques Grange _C’est une aventure de la vie ! Parmi tous mes commanditaires, c’est l’histoire la plus longue et la plus belle, qui a duré 35 ans et s’est traduite par tous ces lieux aménagés pour eux, Tanger, Marrakech, Deauville, Paris, mais aussi les expositions dans le monde entier de la griffe Saint Laurent, de New York à Pékin… J’ai partagé une esthétique avec ces deux brillants personnages, l’un, génie de la mode, des couleurs qu’il m’a appris à manier, l’autre un fantastique entrepreneur, ne remettant jamais en cause les désirs d’Yves.
à force de les fréquenter, ils vous ont influencé ?
Sûrement. Je partageais avec Yves ce goût inconditionnel pour Jean-Michel Frank, découvert en rentrant, jeune homme, chez les Noailles, place des Etats-Unis à Paris. J’avais eu le même choc esthétique. Nous avons été liés par cet amour de l’Art déco, d’Eileen Gray… Parallèlement, j’ai fréquenté amicalement la magicienne Madeleine Castaing. Elle m’a apporté l’intérêt pour le XIXe siècle, m’appelait « mon petit » et ne lisait que Proust et Balzac.
Dès le départ, vous saviez ce que vous vouliez faire ?
Très jeune, j’ai su en effet. J’ai arrêté les études à quinze ans, fait l’école Boulle, l’école Camondo. J’avais pour copain de classe Michel-Yves, frère de Vincent Bolloré. Quand je suis entré dans leur hôtel particulier, j’ai eu un choc devant le mélange d’un tableau de Soulages au-dessus d’une console XVIIIe… J’ai supplié sa mère de m’aider à entrer en stage chez leur décorateur, Henri Samuel. J’ai choisi mon destin. Lors de ce stage j’étais le petit grouillot qui courrait partout.
Mais j’ai appris, j’ai regardé, j’ai vu ce qu’était la grande qualité française, l’artisanat. J’allais suivre les travaux de restauration du Trianon où Henri Samuel était chargé de la passementerie. Je me rendais chez Diego Giacometti veiller sur les commandes pour…