Alexandre Crochet_Qu’est-ce que Mécènes du sud ?
Damien Leclere_C’est un collectif d’entreprises né en 2003 et qui regroupe aujourd’hui 47 sociétés, de toutes tailles, sur le territoire Aix-Marseille. Certaines sont très importantes à l’instar de Ricard, BNP Paribas, la Société Marseillaise de Crédit, l’armateur marseillais Marfret ou la Logirem, grand bailleur social local. Notre association mutualise un budget de mécénat et a l’ambition de fertiliser et développer des territoires grâce à l’art contemporain. Nous sommes partis du constat que Marseille était un peu en retrait culturellement et que les chefs d’entreprise peuvent être légitimes – ce qui n’est pas évident pour tous – pour parler et agir dans l’art contemporain.
Comment l’association
se finance-t-elle ?
Les cotisations restent raisonnables, entre 5 000 et 15 000 euros par an et par entreprise, en partie défiscalisables sur les bénéfices. Cela peut paraître de petites sommes, mais c’est la régularité qui compte. Sur dix ans, cela représente des montants non négligeables. Nous disposons chaque année d’un budget d’environ 250 000 euros, soit plusieurs millions d’euros depuis le lancement. C’est d’autant plus remarquable que – contrairement à ce que l’on voit souvent – les entreprises s’effacent au profit d’une identité collective, les Mécènes du sud. Leur nom individuel n’est pas mis en avant. Chaque année plusieurs nouveaux nous rejoignent…
Tous sont-ils concernés par l’art contemporain ?
Ce n’est pas un club d’érudits, tous n’ont pas le même niveau. En contrepartie de leur engagement, nous les aidons à approfondir leur regard, organisons des rencontres avec des artistes, des visites d’expositions ou des voyages comme récemment à la Documenta de Cassel…
Quel soutien apportez-vous aux artistes ?
Il se traduit par trois actions. D’abord, nous mécénons la création d’œuvres nouvelles en distribuant des dotations de 5 000 à 10 000 euros à une dizaine d’artistes chaque année. Un comité indépendant fait sa sélection à la suite d’un appel à projets. L’œuvre ne nous appartient pas au final. Même étranger, l’artiste doit avoir un lien avec le territoire marseillais. Deuxième type d’intervention : nous coproduisons chaque année une grande exposition d’un artiste, confirmé ou pas, dans un lieu emblématique, aux côtés d’un acteur institutionnel. Cette année, nous sommes sortis de notre périmètre mais avec un artiste marseillais à l’Espace de l’Art concret de Mouans-Sartoux. L’exposition « Olt » consacrée à l’opération promotionnelle éponyme et baptême de Elf dans les années 1960 réunit [jusqu’au 5 novembre] le Suisse Olivier Mosset et le Marseillais Jean-Baptiste Sauvage autour du rond. En 2015-2016, nous avons soutenu l’exposition monographique à la Friche la Belle de Mai sur Gilles Barbier, défendu par la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois. Nous apportons un financement mais aussi des contacts et une communication d’entreprise, des visiteurs supplémentaires, nous ne sommes pas de simples bailleurs de fonds institutionnels. Avec la contraction des soutiens publics, notre action a du sens… Enfin, notre troisième intervention est plus expérimentale, avec des résidences d’artistes en entreprise. Nous avons développé un vrai savoir-faire, d’ailleurs reconnu lors du séminaire Art et Mondes du travail organisé en février dernier par le ministère de la Culture.
À propos de résidences en entreprise, vous en avez aussi organisées pendant plusieurs années vous-même au sein de votre maison de ventes à Marseille…
J’ai demandé à des artistes de venir travailler dans ma maison de ventes, rencontrer les collaborateurs… Aujourd’hui, j’ai opté pour un projet plus global annuel sans résidence, avec quatre à cinq expositions par an, des performances d’artistes et des conférences, un vrai petit centre d’art ! Être acteur culturel n’est pas un gadget, notre métier de commissaire-priseur repose sur la transmission, l’histoire des œuvres, l’émotion esthétique… Le critique Nicolas Bourriaud interviendra chez nous à l’ouverture d’Art-O-Rama…
Qu’a apporté justement la foire Art-O-Rama à Marseille ?
Dernier rendez-vous estival, la foire a fait bouger les choses en concentrant beaucoup d’initiatives sur une semaine et montre la vitalité de Marseille. La structure de production d’expositions Sextant vient de fusionner avec Art-O-Rama, le salon Pareidolie consacré au dessin contemporain prend de l’ampleur… Les collectionneurs ne s’y trompent pas et sont au rendez-vous.
Quels sont vos projets pour Mécènes du sud ?
Nous sommes très impliqués dans le projet MP 2018 [pour Marseille-Provence, ndlr]. Il se veut une réplique de Marseille capitale européenne de la Culture en 2013, et aura lieu de février à septembre prochains. Point intéressant, ce projet est venu du monde économique : Mécènes du sud, la Chambre de commerce, l’université et le top 20 des plus grosses entreprises marseillaises. Le milieu économique a jugé bon de prendre le relais, les pouvoirs publics n’ayant pas donné la suite promise à Marseille 2013, qui nous a tant apporté. Mécènes du sud a versé les premiers fonds pour embaucher une équipe, et réussi à mobiliser les quinze plus grands acteurs culturels du territoire, dont les théâtres du Gymnase et de la Criée, le MuCem, la Friche la Belle de Mai. Comparé aux 90 millions d’euros de Marseille 2013, notre budget de 5 à 6 millions d’euros, moitié public-moitié privé, semble réduit. C’est quand même un exploit…
Quel sera le contenu ?
Sur le thème « Quel amour ? », la manifestation ouvrant pour la saint Valentin proposera près de 200 événements culturels dont une soixantaine de projets spécifiques coproduits avec l’argent de MP 2018, autour de deux grandes expositions au J1. Il y aura aussi une dizaine de résidences accompagnées par Mécènes du sud selon le principe des trios entre un artiste, une entreprise et un lieu de diffusion. Comme avec notre association, l’idée est d’infuser le terreau de l’entreprise en démontrant que l’art est aussi pour elle source d’enrichissement.
www.mecenesdusud.fr