Sommes-nous condamnés à n’être que ce qui nous prédétermine, réduits aux seuls indicateurs d’une carte d’identité ? Plongeant la Biennale du Whitney tout entière dans un débat qui fait rage aux États Unis, la peinture Open Basket de Dana Schutz a déclenché une polémique autour de « l’appropriation culturelle » (vue dans la continuité du pillage colonial) : quelle est la légitimité d’un(e) artiste blanc(he) à représenter le désarroi de la population noire face au racisme qu’elle ne peut pas connaître ? Les manifestations devant la peinture et les feux croisés dans la presse ont éclipsé le fait, historique, d’une édition qui présente le nombre le plus important d’artistes noirs de son histoire (la moitié). Reprenant une célèbre photo de 1955 où l’on voit le corps martyrisé d’Emmett Till dans le cercueil laissé ouvert par sa mère, de façon à montrer la barbarie d’un lynchage raciste au Mississippi, Dana Schutz en fait une peinture d’une rare puissance, où la violence s’exprime par un crâne en relief qui ne montre pourtant rien — c’est d’ailleurs ce qui fait l’objet de l’accusation : rendre abstraite la souffrance noire. L’incompréhension que ce débat peut déclencher en France n’est pas seulement le signe d’une vieille dispute entre le prétendu universalisme français et la…
La Biennale du Whitney plus engagée que jamais
La Biennale du Whitney, la plus importante des États-Unis, semble désormais dominée par la polémique autour de la peinture de Dana Schutz et le débat sur l’appropriation culturelle. Cette controverse ne devrait pas éclipser une édition qui reflète une période de trouble et de révolte, prenant acte d’un renouveau politique de la figuration en peinture et de l’attention à la dimension « locale » de nos relations : de l’auto-organisation communale à la proposition d’autres fonctionnalités pour le mot « art ».