Hier après-midi, à la veille de son intervention lors de la discussion en séance plénière, prévue ce mercredi soir, de l'amendement visant à soumettre les oeuvres d'art de plus de 50 000 euros à l'ISF, Alain Tourret, député radical de gauche (Calvados), a réuni dans les locaux de l'Assemblée nationale la presse et quelques-uns des acteurs du marché de l'art français, avec le concours de Gérard Champin, ancien président du Conseil des ventes volontaires. « Dans aucun autre pays occidental, les oeuvres d'art ne sont imposées », nous confiait en préambule ce dernier. Alors que Thierry Mandon, porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, venait d'annoncer hier en début d'après-midi que « le groupe ne votera pas cet amendement s'il est déposé », Alain Tourret estimait qu'il restait une vraie probabilité de votes en faveur de cet amendement, du côté de la gauche, comme de la droite. « Cet amendement a été présenté dans l'improvisation la plus totale. Après quelques minutes de discussions seulement, l'on est passé de 5 000 à 50 000 euros », pointait-il. Le député affûtait ses arguments en défaveur de l'amendement, parmi lesquels : le caractère hautement aléatoire de l'évaluation des oeuvres, sans compter « qu'imposer un rapport d'expertise sur toutes les oeuvres dans les collections françaises serait très mal perçu de leurs possesseurs » ; la mort annoncée des grandes expositions causée par la fuite des prêteurs ; les grandes dations, cessions et donations compromises. Pour l'antiquaire Laurent Kraemer, le marché de l'art « génère déjà énormément d'impôts, sommes qui disparaîtraient ». « Je suis persuadé que cet amendement ne va pas passer, car il est ingérable, poursuivait son confrère Dominique Chevalier, membre du conseil d'administration du Syndicat National des Antiquaires. L'expertise même des oeuvres va coûter de l'argent [à l'Etat]. Mais je redoute qu'en contrepartie du refus de cet amendement, nous soit imposé une hausse de la taxe forfaitaire sur la plus-value ». Pour Gérard Champin, « même si ce serpent de mer ne débouche sur rien, les effets sont destructeurs, ne serait-ce qu'effrayer les collectionneurs étrangers ». Le président du SNCAO, Michel Gomez, soulignait quant à lui l'impact économique d'une telle mesure sur « les 15 000 professionnels de tous niveaux confondus en France, soit 60 000 emplois directs ou induits ». Enfin, Alain Tourret souhaitait ardemment la présence « hautement symbolique » de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, aujourd'hui, à l'Assemblée.