Le lieu et la date sont symboliques. Hier, deux ans jours pour jour après l’attaque terroriste du musée du Bardo, à Tunis, au moment même où François Hollande s’exprimait depuis la cour Khorsabad du département des Antiquités orientales du musée du Louvre, le président de la République a, dans cette même cour, lancé l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit. « Il ne faut pas distinguer les massacres faits aux monuments de ceux à l’égard des personnes. Ils visent le même objectif : éradiquer la diversité humaine et culturelle », a dénoncé François Hollande. Créée juridiquement le 3 mars à Genève, cette fondation de droit suisse prend ses racines dans le rapport commandé à Jean-Luc Martinez, président directeur du musée du Louvre, sur la sauvegarde du patrimoine en péril, qu’il a présenté le 27 mai 2016 devant le G7 au Japon. Cette première prise de parole d’un directeur d’établissement culturel devant une telle assemblée en dit long sur la priorité politique que porte la France sur le sujet. Annoncé officiellement le 2 décembre lors d’un déplacement à Abou Dhabi, le fonds d’investissement porté par Jack Lang et patronné par Mohammed Al Mubarak, représentant du prince héritier d’Abou Dhabi, a pris corps hier. Sur les 100 millions d’euros que compte réunir la structure, les trois-quarts ont été promis en dons, à la faveur d’un défilé honorifique d’une vingtaine de représentants d’États, d’organisations internationales ou de simples citoyens fortunés acquis à la cause du patrimoine en temps de guerre. Si la France abondera ce fonds en avril à hauteur de 15 millions d’euros (les 15 autres millions d’euros promis engagent le prochain président de la République), les Émirats verseront 15 millions de dollars, l’Arabie Saoudite 20 millions de dollars, le Koweït 5 millions de dollars, et la Suisse offre en nature tout l’accompagnement technique. Hormis le Luxembourg qui apportera 3 millions de dollars, l’Europe ne se précipite pas. Tandis que Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne, n’a jamais répondu aux sollicitations, l’Italie, empêtrée dans la difficulté de financer son propre patrimoine, promet de transmettre le message à des mécènes, tandis que l’Angleterre, dans la lignée du Brexit, a déclaré avoir son propre fonds pour le patrimoine en péril abondé de l’ordre de 32 millions de dollars… À leurs côtés, le collectionneur Thomas Kaplan fait figure de grand seigneur, versant à lui seul 1 million de dollars. En outre, la présence de la Chine, du Mexique, de la Corée du Sud, du Maroc, de l’Allemagne ou de la Smithsonian Institution prouve qu’en dehors de l’engagement financier la prise de conscience internationale est solide. Après ce démarrage couronné de succès, le fonds doit désormais organiser sa gouvernance et son pilotage scientifique. « Au-delà des discours, seuls les actes comptent », promettait en introduction le très concerné Jean-Luc Martinez. Affaire à suivre.