Sarah Hugounenq_Pourquoi, dès votre arrivée Rue de Valois en 1981,
avez-vous inscrit parmi vos priorités l’histoire de l’art ?
Jack Lang_J’avais assez tôt pris conscience que l’histoire de l’art, en France, était anormalement et insuffisamment épaulée et accompagnée. Voilà un paradoxe dans un pays qui s’illustre par ses musées, ses monuments, ses collections… Il y avait une contradiction entre l’ampleur des richesses artistiques et la discipline de l’histoire de l’art non reconnue pleinement par les pouvoirs publics. C’est pourquoi, à mon arrivée, j’ai demandé à Pierre Mauroy, Premier ministre, de confier à André Chastel la rédaction d’un rapport sur la création d’un Institut national de l’histoire de l’art [qui reprendra la suite d’une mission confiée par Georges Pompidou à Jacques Thuillier]. Je connaissais bien André Chastel, érudit, fin et drôle, avec qui j’avais milité pour la défense d’un patrimoine menacé comme les Halles de Baltard ‒ où nous avons échoué ‒ ou la gare d’Orsay, que nous avons sauvée. Je me souviens du moment où il est venu me remettre le rapport dans mon bureau Rue de Valois. Il me dit de son air très provocateur : « Vous ne parviendrez pas à faire bouger les choses ! ». La condition sine qua none était que les fonds Doucet abrités au Centre Michelet soient rattachés à un fonds général d’archives comme socle d’une grande bibliothèque d’histoire de l’art. Je me suis donc acharné à lui donner tort !
Le refus du conseil d’État de fonder l’Institut national d’histoire de l’art, et sa création tardive en 2001 (quand Lionel Jospin était Premier…