Philippe Régnier_Votre engagement artistique remonte à l’époque de l’URSS. Comment avez-vous débuté ?
Olga Sviblova_J’ai commencé par être commissaire d’exposition d’art contemporain en m’intéressant à l’art russe underground. J’étais proche des poètes underground parce que mon premier mari, Alexei Parchikov, en faisait partie. Notre maison était l’un des endroits où les gens se rencontraient. Ce fut ma vie dès 1973. À partir de 1983, j’ai rencontré tout le monde de l’art underground russe, notamment Ilya Kabakov. À l’époque, tout était interdit. Depuis ce moment, je sais sentir la force des artistes, peu importe le médium qu’ils utilisent, littérature, musique, art, et j’aime la faire partager. Et pour cela, nous avons besoin du public. C’est probablement pourquoi je suis devenu curatrice, et ensuite directrice de musée. J’ai reçu une formation de psychologue spécialiste des processus créatifs, j’ai toujours été intéressée par la réception. À partir de 1986, j’ai réalisé des films documentaires, le premier sur l’architecte d’avant-garde Alexander Melnikov, le deuxième s’intitulant Carré noir.
À l’époque, vous n’étiez pas spécialisée dans la photographie…
Je ne peux pas dire aujourd’hui que j’aime la photographie davantage que les autres médias de l’art. Il n’y a aucune frontière entre la photographie et l’art. Quand j’ai réalisé le film Carré noir, qui a remporté un prix à Cannes et un autre à Chicago, la distinction la plus importante pour les documentaires aux États-Unis, je l’ai conçu pour les artistes et pour les aider. Nous vivions à l’époque dans un monde sans marché de l’art. Seul l’État pouvait commander et acheter des œuvres. La première galerie en Russie a été créée en 1991. J’ai toujours pensé que l’art existe pour le futur. Je ne suis pas quelqu’un du marché. Je suis une bonne directrice de musée parce que je sais bien acheter, mais je suis absolument…