Le Conseil d’État a rendu, le 23 décembre, une décision qui devrait faire date. En confirmant l’interdiction faite à un photographe de la société Photo J.-L. Josse de photographier des œuvres de la collection du musée des beaux-arts de Tours, au motif qu’elles appartiennent au domaine public, l’institution ouvre une brèche dans la défense du droit d’auteur. Selon les juges, « la prise de vues d’œuvres relevant des collections d’un musée, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues, doit être regardée comme une utilisation privative du domaine public mobilier ». Cette jurisprudence peut conduire les musées à considérer qu’ils disposent de la propriété incorporelle, dépendante du droit d’auteur, de l’œuvre en plus de sa propriété corporelle. « La décision des juges s’avère lourde de conséquences puisqu’elle invite les musées à nier les règles de la propriété intellectuelle », déplore Pierre Noual, docteur en droit, spécialisé dans le droit de l’art, et historien d’art. Si le conseil d’État justifie sa décision en ce que la commercialisation des reproductions « pourrait préjudicier à l’attractivité de ce musée et nuire à sa fréquentation par le public », le juriste y voit une autre explication : « les magistrats ont octroyé aux musées un impérieux pouvoir d’autorisation (et d’interdiction) afin de sauvegarder un monopole d’exploitation où les recettes de reproductions photographiques peuvent s’avérer juteuses ».